mercredi 30 juin 2010

L’élevage et la nourriture des volailles et du porc

Ma Chérie !!! Tu m’as avoué que devant les petits porcelets tu as craqué ; craqué devant leur couleur, leur douceur, leur beauté enfin ! Eh bien, je pense que tu aurais eu autant d’admiration devant les petits poussins, les petits canards, les oisons, les petits lapins quelques jours après leur naissance.
Tout duveteux, soyeux, maladroits sur leurs petites pattes ces miniatures apprécient encore le nid douillet, bien rangés sous la mère.
C’était la fermière qui programmait les naissances. Elle voyait la poule s’accouver après la ponte. Celle-ci commençait à glousser et restait sur la paille du nid jour et nuit.
Le moment était venu de mettre les œufs, une quinzaine à peu près, sous la poule. Parfois, on l’isolait dans une boîte. Très fidèle à sa mission, il fallait la lever pour qu’elle mange. Les poussins naitront au bout de 21 jours.
Auparavant, couvés une dizaine de jours, on mirait les œufs. Dans le noir, on les passait devant la flamme d’une bougie. Si une grosse tâche brune apparaissait, l’œuf était bon, si rien ne se voyait, l’œuf était clair et jeté.
Parfois du pailler, où la mère bien camouflée descendait au bout des 3 semaines, les petits dégringolaient aux cot-cot maternels et sauve-qui-peut.

Le procédé était le même pour les canetons.

On faisait cet élevage pour se nourrir et renouveler le poulailler, mais pour que la ponte continue, les couveuses indésirables étaient mises plusieurs jours à l’écart sous une mue.

Une mue

- Elles étaient punies ?
- Si tu veux. Elles devaient reprendre à faire des œufs. Ceux-ci donnaient parfois du fil à retordre pour les découvrir. Par contre, les enfants étaient tout heureux d’aller les dénicher et avaient pour consigne de bien laisser le « gniau ». Ces œufs étaient un bien précieux qui servait de monnaie d’échange à l’épicerie.
Pour les petits canetons, il était difficile de savoir où la cane s’installait. Absente, au moment de donner le grain, la mère cane était soupçonnée de dissimulation dans un coin caché de la ferme. On partait alors à sa recherche surveillant furtivement des allées et venues.

La nourriture, c’était le grain : blé et orge. Les lapins mangeaient de l’herbe – point de granulés, bien sûr !!! On ne connaissait pas encore.

Les volailles vivaient en liberté dans la cour et les petites bêtes étaient rassemblées par la fermière. En leur jetant le grain, elle les appelait « petit, petit, petit » et tout le monde accourait.



Bien souvent, les poules juchaient dans les arbres et le renard y trouvait son couvert. Les jeunes gallinacés et palmipèdes croissaient tranquillement, sans faire mauvais ménage, les uns grattant et les autres pataugeant, coupant l’herbe fraîche pendant de longues semaines.

Les poules se couchaient tôt, « on dit d’ailleurs se coucher comme les poules » et bien souvent elles se perchaient sur les instruments agricoles d’où on les délogeait à grands coups de « gales » (gaules).
Les poussins étaient devenus poulets au bout de nombreuses semaines, bien plus que dans les élevages actuels. C’était bien loin de la durée mentionnée sur les étiquettes des grandes surfaces (élevées en 54 ou 81 jours)
Là, toute la volaille rassemblée on les agrainait (distribution parcimonieuse de grain) et on tentait d’attraper celui qui paraissait bon pour aller à la cocotte. Quelquefois on appelait de l’aide et comble de maladresse la queue du petit coq restait dans la main.
- Et alors ?
- Ma chérie, on réessayait très vite car toute la famille apeurée s’échappait dans toutes les directions.
Maintenant, adieu les couvées et les poulets coureurs. On achète les poussins à 3 semaines de vie, on les élève soi-même. Ils vivent au ralenti car les mignons ont les ergots un peu trop dévastateurs et sont donc parqués.
Une grand-mère du village élevait aussi des pigeons. Au son de sa voix ils faisaient une ronde autour d’elle. Chaque couple avait sa place. Un jour, elle s’aperçut que monsieur était sur le bord de sa petite cage impassible, puis elle regarde de plus près, madame était de sortie. Plusieurs jours ainsi sans retour de la vagabonde.
- Alors, le renard l’avait emportée Mamie ?
- Nennie ma chérie, toute penaude la fugitive réapparut. Monsieur s’écarta pour la laisser rentrer et là ce fut la correction à coups de pattes et de bec.
- Vrai ? pourquoi ?
- Parce que les couples de pigeons sont fidèles l’un à l’autre jusqu’à la mort. Bel exemple d’attachement de Monsieur à Madame !!! Faut-il que les animaux nous montrent l’exemple ?

Mais n’oublions pas, ma chérie, de mentionner la fameuse « beurnée »
- Oh ! Qu’est ce que tu vas aller me chercher Mamie ?
- Rien d’extraordinaire, mais seulement une cuisine mémorable qui se pratiquait dans toutes les fermes. La beurnée !!! C’était la destinée assurée aux petites pommes de terre de la récolte. Elles allaient cuire longuement dans la grande « chaudière économique ».
C’était la nourriture la plus appréciée des cochons qui la mangeaient assaisonnée de farine et d’eau de vaisselle (sans additif) et du petit lait que fournissait le laitier.

Pour les volailles, canards et oies on y ajoutait des orties coupées fines, hachées en « pironnée » et il fallait voir avec quelle gloutonnerie elles les avalaient. Elles se faisaient ainsi de gros jabots.

Hachoir à orties

Cette pironnée demandait donc que l’on apprivoise ces vilaines plantes piquantes.
- Mamie, moi je me gratte longtemps après.
- Alors, fais bien attention ! Mais rassure toi cette piqûre n’est pas mortelle !!!
- Dieu merci, ma petite Mamie.

La cueillette des fruits et légumes

La cueillette des poires, des pêches, des prunes, ne déplaisait pas aux enfants mais c’était une main d’œuvre qui au bout de peu de temps s’adonnait aux jeux. Tout feu, tout flamme puis la fatigue s’installait très vite et plus personne.

Les haricots verts étaient arrivés à point et les petits pois donc !!! Ces récoltes d’été étaient mises en conserve dans des bouteilles.

- Des bouteilles ?
- Oui ma Chérie, point de bocaux, il fallait utiliser les moyens du bord. On enfilait 1 à 1 les haricots verts, les petits pois descendaient plus facilement. Les poires, les pêches et une catégorie de prunes subissaient le même sort.

- On fermait avec un bouchon ?
- Tu ne croyais pas si bien dire ma chérie. On ajoutait un peu d’eau aux légumes, on mettait un bouchon bien enfoncé que l’on maintenait grâce à un petit fils de fer.
- Comme pour les bouteilles de champagne, Mamie ?
- Bravo, tu as trouvé ma puce !!!
- Et pour les sortir ?
- Avec un petit crochet et beaucoup de patience.

- Tu dis qu’il y avait des prunes qui étaient faites d’une autre façon ?
- Oui, on faisait sécher au soleil pendant de longues heures la fameuse prune « Damour » - Quant elles étaient suffisamment « fournelées » on les engrangeait dans des « bournes » et ainsi elles se conservaient tout l'hiver.



- J’en ai déjà vu Mamie !
- Sûrement, maintenant elles sont mises en décoration.

La distillation des raisins fournissait l'eau de vie dans laquelle on mettait du sucre en sirop et des cerises. La tradition continue de nos jours.

Les pieds de haricots secs se ramassaient en grosses poignées. Ces « liennes » étaient suspendues sur les murs de la maison ou des bâtiments. On peut voir encore les morceaux de bois (des goujons) ou les grandes pointes qui émaillent les pans des anciennes constructions.

mardi 29 juin 2010

La cuisine des canards gras

La volaille débarrassée de ses habits mise à nu allait être flambée pour éliminer les sortes de soies qui avaient résisté.
Les canards suspendus par les pattes attendaient le lendemain pour être détaillés et cuisinés – le sang finissait de s’égoutter.
Rassemblées autour de la table de la cuisine, chacune des femmes s’afférait autour de ces blocs graisseux.
- Par quel bout commençait-on cette besogne affolante par le nombre des sacrifiés ?
- Je vais te faire la description telle que mes grands-mères la réalisaient.
On coupait la tête, on sectionnait le cou à sa base, on retirait la trachée et l’œsophage, on retournait la peau pour enlever la graisse. Ensuite on le coupait en tronçons. Chaque morceau allait dans des récipients différents.
Le canard était posé sur le dos, on fendait la poitrine de chaque côté de l’os du bréchet, on écartait la viande pour mettre la carcasse à nu. Cette chair était coupée par le milieu. On désossait les ailes et les cuisses et voici le confit préparé à l’ancienne. On enroulait toute la viande dans la peau qui recouvrait filet, aile et cuisse. On formait ainsi deux énormes boudins que l’on cousait. Les cous, les gésiers nettoyés, les cœurs ne seront pas oubliés pour la cuisson. Les tripes avaient été débarrassées de leur graisse. Toute cette viande avait mariné depuis la veille dans un peu de sel et poivre. On apportait un grand chaudron de fonte sur le feu de bois au ralenti car le tout devait fondre et surtout ne pas frire. On mettait de l’eau dans le fond du récipient. On versait le tout et on ajoutait du gras de porc. En général on faisait correspondre les deux « tueries ».
- Eh bien, ce n’est pas étonnant qu’il faille rassembler le village !!!

Quand la graisse commençait à fondre, il ne fallait pas abandonner de brasser avec une grande palette en bois réservée à cet usage. C’était bien souvent le rôle des anciens ; brasser et surveiller le feu. C’était indispensable à la réussite de cette cuisine.
On laissait le gras fondre et l’assaisonnement se faisait après avoir gouté, très peu de temps avant la fin de la cuisson. Cette dernière était vérifiée à l’aide d’un « couton de balai de coco ». S’il pénétrait sans difficulté le résultat était au point. On arrêtait alors le feu et c’était le moment de la mise en pot.

Les grands pots de grés recevaient les confits recouverts de graisse. On laissait refroidir et on les couvrait d’un papier journal attaché par une ficelle.
Sur le tenailler on disposait les petits qui se conservaient très bien à cette époque, les plus importants étaient rangés dans un bâtiment plus frais un genre de cellier.

Les petits morceaux de viande coupée pour former les confits et le porc gras et maigre se déposaient au fond du chaudron. C’étaient les grillons que l’on mettait en pot.

- Ma Chérie, certaines maitresses de maison cuisinent encore les canards provenant d’élevage où ils sont engraissés d’une façon industrielle. Le gavage est différent. D’autres personnes continuent l’élevage en achetant les petits canetons, les poussins sur les foires régionales et répètent le même procédé que nos grands-mères.

- Et tout çà Mamie, c’était sûrement très bon et il n’y avait pas de conservateur.

lundi 28 juin 2010

Le travail de la femme à la maison

Que de changement Alice !!! Tu vois aujourd’hui des femmes de la campagne qui ont un métier en ville. L’évolution, leur a donné plus de choix de vie qu’autrefois. La plupart du temps on naissait, on travaillait et on mourait dans le même village.
- C’est mieux maintenant Mamie !!!
- Ma petite Alice, autre temps autre mœurs.
La femme du XIXème siècle assumait bien des travaux à la maison et à la ferme.


Certains hommes, que dis-je beaucoup n’ont jamais su faire sortir le lait de la mamelle de la vache.
Les journées d’hiver on cuisinait les oies, les canards et le porc.

Au moment où les canards croisent bien les ailes on va passer au sacrifice pour alimenter la famille.

Les mâles seront mis à part pour le gavage pendant au moins trois bonnes semaines. C'était la corvée matin et soir avec le « maïs de Ruffec » qui se cultivait à cette époque. Travail essentiellement féminin qui n’était pas des plus agréables.


A la main on poussait le maïs trempé auparavant (la veille) dans le cou, le bec étant tenu ouvert par la main gauche. On faisait circuler le grain en suivant le cou extérieurement afin de remplir le jabot de la bête. Pour ce faire, on se mettait à genoux sur la litière et à cheval sur le canard pour le saisir. Il ne fallait pas qu’il se débatte, car ses griffes auraient labouré les cuisses de la gaveuse.

Ensuite on inventa une sorte de moulin à gaver, plus facile peut-être ? Oui, fini le temps du gavage, les palmipèdes devenaient lourds et ne bougeaient pour ainsi dire plus du tout. Ils buvaient à volonté dans une gamelle à leur portée.

L’heure du sacrifice allait sonner.
On demandait aux voisines leur aide et quand tout le monde était prêt, la cuisine du gras pouvait commencer.

- Mamie, qu’allait-on leur faire ?
- Un couteau bien aiguisé, les ailes croisées pour le tenir et la lame meurtrière allait trancher le cou au dessous de la tête que l’on soulevait de la main gauche. Le sang giclait, quelques « pissettes » s’écartaient sur les côtés – gare à vous ! Un récipient contenant un peu de vinaigre, se remplissait du sang.
- Pour quoi faire ?
- Ma chérie, l’économie étant de rigueur on ne laissait rien perdre. Ce sang on le faisait frire avec des échalotes pour faire de la « sanguette ».

Quelquefois, le canard n'étant pas encore totalement vidé de son sang se permettait une dernière escapade dans les bâtiments. On se dépêchait de l'attraper car il ne fallait pas qu'il se cogne pour ne pas abimer la viande.

Alors arrivait le moment de plumer à la main tous ces cadavres bien dodus. On débarrassait d’abord le bout des ailes pour faire des « plumeaux » destinés à balayer les cendres, dépoussiérer les coins difficiles à atteindre. Les plumes les plus grosses étaient mises d’un côté, le duvet de l’autre.
Les unes serviront à faire des lits de plumes pour remplacer les « paillasses » et le duvet plus léger ira dans des édredons. Toute cette garniture de lit n’existe plus beaucoup aujourd’hui.

Information complémentaire donnée par M. Pascal Baudoin sur son blog http://pagesperso-orange.fr/pascal.baudouin/foie_gras.htm
Du maïs de La Faye ou de Ruffec


Une fusée de maïs de Ruffec

Blé d’Espagne selon les uns, blé de Turquie selon les autres dans les textes anciens, le maïs avait trouvé de confortables « charentaises » à Ruffec.

Les anciens l’appellent aussi le maïs de La Faye.

Ce maïs présente l’avantage d’offrir des grains ronds, dénués d’aspérités, qui ne blessent pas l'œsophage du canard lors du gavage.

Le mais hybride a remplacé la variété locale dite de Ruffec : il couvre de faibles superficies. (1965)

En 1900, le président du syndicat agricole et viticole de Thouarcé, dans le Maine et Loire, demandait par lettre au Docteur Claude Brothier, maire de Villefagnan, de lui envoyer l’adresse d’un négociant sérieux, ou d’un producteur « qui serait à même de nous en procurer en bonne qualité ». La réputation de ce maïs, qui pousse encore dans les jardins des passionnés, avait largement dépassé les limites du Ruffécois. Aujourd’hui, à La Forêt-de-Tessé, par exemple, des agriculteurs ont replanté ce maïs local à partir de souches fournies par le conservatoire des semences à Toulouse.

Chaque année, en hiver, une bande de copains se réunit pour "épanouiller" le maïs (enlever les feuilles autour de l'épi) et tresser des "troches" (photo ci-dessus).



dimanche 27 juin 2010

Mises à jour effectuées

Bonsoir à tous et à toutes,
Ce jour ont été effectuées de nombreuses mises à jour sur les anciens articles publiés. Mises à jour de textes et ou d'illustrations.

Je vous invite donc à reconsulter en particulier les articles suivants :
mars 2009 - les puits de Courcôme (mais désolé manqueront tjs les photos des puits de Houillères et des Martres)
janvier 2010 - Alice et la Poste à Courcôme
janvier 2010 - Alice - les ravaudeuses et le laitier
février 2010 - Le vétérinaire et le charron
février 2010 - La rebouteuse et les tailleurs
février 2010 - Le passé par les cartes postales (1)
avril 2010 - La Mairie et les Ecoles de Courcôme
avril 2010 - Les mares dans la commune de Courcôme
mai 2010 - Le lavoir de Courcôme (1)

Si vous avez des articles à me proposer, de vieilles photos pour illustrer des articles parus surtout n'hésitez pas à me contacter au 06 10 43 00 45 ou à les déposer dans ma boîte aux lettres.
postale : M. MIGAUD Philippe Chez Cattrot Route de Raix 16240 Courcôme
internet : philippe.migaud16@orange.fr

Merci d'avance pour votre coopération et je renouvelle mes remerciements aux personnes qui s'investissent pour le fonctionnement de ce blog à savoir Mme Pelletier Josette, M. et Mme Meunier (Magné), M. Vincent Abel ou qui partagent leur documentation comme M. Pascal Baudoin, M. Birolli et Mme Isabelle Gemon.

lundi 14 juin 2010

le mot cochon inspire !!!

- Copains comme cochons
- Se demander si c'est du lard ou du cochon
- Cochon qui s’en dédit
- Donner de la confiture à un cochon
- C’est une tête de cochon (être têtu)

- Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble.
- Bouffer de la tête de cochon (recevoir un coup de tête dans l'estomac, recevoir des coups)
- C’est un bourre-cochons (être un mauvais restaurateur)
- Abreuver ou régaler son cochon (trop boire, trop manger)
- Cochon vendu (soldat engagé ou réengagé)
- Comme trente-six cochons ( comparatif pour laid, moche, un manque de talent…)
- Faire un pied de cochon (faire une mauvaise farce)
- Prendre un rince-cochon (boisson pour combattre l’ivresse)
- Avoir un temps de cochon
- Avoir une veine de cochon
- Mettre son museau de cochon (mettre son masque à gaz)
- Cochoner quelque chose (mal faire quelque chose)

Le sacrifice du cochon

Mamie, dis-moi, à la foire agricole j’ai vu et caressé un petit porcelet tout rose, tout doux, on aurait dit de la soie. C’était mignon et tellement joli !!!



- Ma petite Alice, ce petit trésor de douceur que tu as eu dans les mains va devenir le porc que l’on qualifie de sale, de glouton – on le nomme le cochon.

Je vais te raconter comment le jour venu quand il était bien lourd et bien gras sa vie se terminait. Cette coutume séculaire était dans toutes les fermes, car le cochon fournissait une grande partie de la nourriture familiale.
On procédait ainsi – les jours froids sévissaient, la saison était propice, alors on demandait à un voisin Denis Moreau pour le tuer.
Denis Moreau

Cette pauvre bête innocente, à jeun depuis la veille, dormait dans son « toit ». Alors, la longe (corde) à la main on s’approchait pour la lui passer derrière les dents en crochet ; manœuvre délicate car la bête n’était pas facile. Une autre longe serrait la patte arrière droite et ainsi, notre gros « goret » était traîné au lieu de sa mort.
Les hommes le couchaient sur le flanc.
- Et alors, Mamie ??
C’est maintenant le point crucial de l’opération. La bête calmée et maintenue à l’avant par le piquet où la corde était attachée ainsi qu’à l’arrière allait recevoir le coup fatal. Muni d’un couteau bien aiguisé, le tueur sans hésitation enfonçait la lame dans le cœur. La fermière était prête la poêle à la main, la bassine près d’elle, à recueillir le sang. Le précieux liquide jaillissait; une autre femme, les manches retroussées, le brassait sans arrêt pour éviter la coagulation.


On s’assurait que le cochon était bien mort – on le débarrassait alors de ses liens. On le déposait entre deux couches de paille afin de le griller.
- Pourquoi, il va brûler ?
- Non, ma chérie.
Ce feu tout à fait éphémère brûlait les soies, tous ces poils devenus durs. On les raclait, la peau (la couenne) devenait impeccable sous une odeur de grillée. On retournait la bête et l’opération recommençait. On approchait une échelle pour poser l’animal dessus.
On y attachait les pattes de derrière à hauteur convenable et on la mettait debout le long d’un mur. Là, après avoir enlevé les entrailles la victime était livrée à la fraîcheur de la nuit.

Le lendemain, diverses manipulations se succédaient et les femmes allaient embaucher leur travail.
Les hommes fendaient la bête en deux avec un hachereau, un marteau – parfois une scie – après avoir ouvert le ventre.
- Mamie on devenait méchant pour manger ?
- Bien sûr, on peut dire comme ça, mais il fallait et il faut toujours se nourrir !


Poursuivons, car ma petite Alice, l’aventure ne s’arrête pas là.
Les tripes étaient remises dans un panier garni d’un torchon pour les emmener à l’eau courante, les vider et les nettoyer.
Pendant ce travail assez dur, car aussitôt sorties de l’eau les mains étaient glacées (on était grape). La tête nettoyée, privée de ses oreilles et de son museau, cuisait dans une marmite avec un morceau de gorge pour faire les boudins.
La plus grande partie des déchets avait été jetée sur le tas de fumier. L’eau courante du Bief à Magnez se chargeait d’emporter le reste. Tout ça pour le gros intestin. Le petit était vidé, nettoyé, et détourné pour le racler avec deux petites aiguilles à tricoter attachées ensemble. La peau intérieure cédait à la pression de ce petit engin de fortune. Ainsi dépouillée, la tripe servira à la confection des boudins.
- Des boudins ? comment cela se cuisine ?
Oui, avant de commencer la mise en boyau on soufflait pour vérifier s’il n’était pas percé – régal des enfants qui s’imaginaient alors gonfler des ballons de baudruche. Quand la viande était à point on la passait au hachoir avec les échalotes, le persil et on mélangeait le tout au sang.


On obtenait une bouillie assez consistante que l’on enfilait dans le boyau avec « l’ouillette à boudins ». Une autre personne était mobilisée pour les former en les attachant avec une ficelle. Si le boyau était long et intact, on disait qu’il avait fait une belle « trochée ».
Cette dernière était plongée dans le bouillon préparé qui devait alors être seulement frémissant.
- Pourquoi ?
- Pour éviter qu’ils éclatent.
Malgré les précautions prises pour la cuisson des boudins certains éclataient, libérant ainsi leur contenu dans le bouillon. Ce « bouillon roulloux » se partageait avec les voisins accompagné de quelques boudins.
- Pourquoi Mamie ?
- C’était la coutume – on s’entraidait, on partageait.

C’est au tour des andouilles. On emboitait les boyaux dans des plus gros, ainsi que l’estomac en petit morceaux – on les mettait dans un pot de grès avec du sel. Là, elles attendaient la fin de la cuisine.

Les cuisses étaient destinées à la fabrication des jambons.
Les jambons bien égouttés étaient frotté à l’eau de vie, sel, poivre et épices. Puis on les enfermait dans un linge enfouis dans une couche de gros sel. On serrait bien la toile ou bien on la cousait. Ainsi habillés, ils étaient enfouis dans une caisse sous la cendre. Ils restaient là autant de jours qu’ils pesaient de livres.

On découpait la viande en carrés, ainsi que le lard que l’on mettait à fondre dans la chaudière en fonte avec un peu d’eau pour faire des grillons.
Une voisine trop âgée pour le travail de découpe ou le lavage des tripes (Marie Picaud), restait assise devant le chaudron pendant plusieurs heures car il ne fallait cesser de brasser. La cuisson était déclarée terminée quand elle trempait son doigt dans la graisse et qu’elle ne se brûlait pas.

Marie Picaud

On découpait de grosses côtelettes que l’on mettait quand le reste était fondu pour faire des « gros grillons ».
De la viande et du foie étaient préparés en pâté. A ce moment là tout était mis en pot de grès et se conservait très bien.
Dans le saloir ou « pinate » on disposait les pattes, la queue, des morceaux de poitrine, de palette après les avoir frottés généreusement de gros sel. Les couennes, enlevées de la viande subissaient le même sort en attendant la potée de « mongettes ». Miam-Miam diront certains. Beurcq, diront les autres. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent !
L’andouille un peu dessalée se consommait sur le gril. A ce propos, ma chérie, je vais te raconter une petite anecdote qui vient de loin dans le temps.
La veille de Pâques, ayant fait des recommandations à son petit garçon, une femme d’une commune voisine s’en alla à l’église se confesser. Tout d’un coup, comme une furie, l’enfant se précipita :
M’man, viens vite !! vite !!!
Chut, chut, tais-toi, dit le curé
Y a pas de chut-chut qui tienne, faut que ma mère vienne l’andouille est « petée ».
Bien sûr, on s’amusa de cette anecdote qui fit le tour du village. On en parle encore !!!
Alors, tout au long de l’année on dégustait ces bonnes victuailles.
Remarque singulière et caractéristique, la famille qui venait de la ville ne pensait plus que le porc était un animal sale qui sentait mauvais.


1 - Jambon 2 - Jambonneau 3 - Pied 4 - Pointe 5 - Filet
6 - Carré 7 - Echine 8 - Palette 9 - Travers de côtes
10 - Plat-de-côtes 11 - Gorge 12 - Poitrine 13 - Epaule 14 - Tête