jeudi 16 juin 2011

Nos lunettes

A partir de la cinquantaine ou même plus jeune on porte des lunettes pour corriger la vision, en éliminant ou réduisant les anomalies.

Pour les enfants, c’est certainement encore plus désagréable que pour les grands. Mais on voit bien, que tout jeune, on doit se plier aux exigences de la nature.
C’est ainsi, que plus âgé, la presbytie est le lot d’une grande partie de la population.
Les signes avant-coureurs se manifestent de jour en jour plus importants. On voit trouble, on se frotte les yeux, mettant en cause quelque corps étranger. Pour lire, la tête se penche légèrement en arrière, les bras s’allongent pour déchiffrer les lettres. Mais, que diable ils écrivent les journaux plus petits qu’avant. Ce n’est pas possible, ces nouveaux procédés !!!

Puis, on finit par penser que quelque chose ne va plus. On prend rendez-vous chez l’ophtalmo pour parler de ces nouvelles difficultés. Aujourd’hui c’est naturel, on ne pourrait consulter quelque autre praticien.
Nos arrières grands-parents ne connaissaient point ce genre de médecin. Ils allaient avec la plus grande confiance se faire appareiller chez le bijoutier Delaunay à Ruffec. Ce n’est qu’après maints et maints essayages de verre que l’on pensait mieux voir.

Les monocles arrivèrent en premier pour satisfaire les usagers. Ils se positionnaient sous l’arcade sourcilière. Certains élégants les portaient à la main car ils étaient munis d’une poignée fantaisie quelque fois savamment décorée ; signe extérieur de richesse. Ce vulgaire objet devenait une marque de distinction dans le visage. Porté d’une main gantée, coiffé d’un gibus, habillé élégamment, l’homme paraissait un vrai « dandy ».
Les binocles détrônèrent cette soi-disant fantaisie. Elles se fixaient sur le nez par une sorte de pince – on écartait les deux verres pour les ajuster.

La forme actuelle vit le jour lorsque l’on fixa les lunettes avec deux branches passant derrière les oreilles. Les grosses lunettes d’écaille brune perdirent peu à peu ce cercle foncé pour devenir  plus légères, ultra légères, au goût du jour.
Les grands couturiers prennent  l’affaire en mains et font surgir leurs collections. Les accros de la mode sont satisfaits de ces panoplies de fantaisie.

A ce propos, la télévision, nous montre un genre particulier que l’on croirait d’un autre âge tant l’originalité est frappante. L’homme arbore des montures rondes, bleues, vertes, jaunes qui se succèdent sur son visage dessiné au compas.
Quelques renseignements s’il vous plaît, Monsieur :

-          Sont-ce des montures sans verres ?

-          Est-ce une forme de publicité ?

-          Votre opticien et la sécurité sociale vous honorent-ils de certains avantages ?
Heureusement, le commun des mortels ne peut se permettre d’assortir les lunettes à leur tenue vestimentaire. Trop chères, Monsieur !!!

Si vous faites partie, d’une gente porteuse d’originalité, alors là on peut se permettre de vous conter :
Azor, est un trésor
Pourquoi ce petit mignon
Ne porte-t-il pas de lorgnon ?
Quand je vois porter des lunettes
A des gens qui n’en n’ont pas besoin
Je me dis : il faut que j’en achète
Pour en faire porter à mon chien.

Ainsi, si un jour, vous vous rencontriez
Vous ne seriez pas le seul à paraître - RIDICULE

L’ivresse et les animaux

Combien d’entre-nous ont lu avec plaisir et intérêt les fables de La Fontaine ?

La mise en jeu des animaux nous apprenait, d’une façon ludique, la morale qui s’applique fort justement aux hommes.

Mais, au dire de certains auteurs, toute cette gente animale, ne serait point susceptible de propager la peste, mais de s’adonner à l’ivresse.

Oui, oui, dans les régions et les villages sans prétention, ils ont mauvaise réputation.

Ainsi, le « Rince cochon » désignait un blanc-cassis proposé au XIXème siècle par des vignerons peu scrupuleux, pour écouler un mauvais vin. D’autres écoulaient du vin très aigre, en le qualifiant poétiquement de « vin à faire danser les chèvres ».

Que faut-il penser quand on dit : « être saoul comme une bourrique » ? Cette éternelle victime a bon dos de se supporter ce lourd fardeau qui n’est qu’une barrique.

Maître Renard fier et futé nous dit alors qu’il est attiré par une belle treille - « Ils sont trop verts et bons pour des goujats » - frustré de ne pouvoir les atteindre. Leur délicieux nectar ne risque pas de satisfaire sa gourmandise.

Dans un billet doux, un amant déclare sa flamme « Voici, un homme qui vous aime : Ver de terre amoureux d’une étoile ». Ce petit animal ainsi porteur d’un beau titre se trouve pourchassé par ceux qui boivent la goutte dès potron-minet, pour tuer le ver.

De la grive, on dit : « Etre saoul comme une grive » parce que cet innocent passereau se gorge des raisins laissés par mégarde.

Puis, un auteur, nous fait une description bien détaillée des dégâts causés par l’ivresse chez la pie. Cette dame, portant habit noir et blanc voisine des maisons, alla, un jour noyer son chagrin amoureux en plongeant le bec dans un verre égaré plein de vin. Elle but plusieurs lampées, ce qui devait arriver, ne tarda pas. Elle se mit à baver, l’œil torve, les plumes ébouriffées. La pie saoule s’effondra.

De l’étourneau, surveillant attentif des vignes, on ne peut passer sous silence, sa soif exagérée et ravageuse des raisins. Le raisin et le vin n’ont-ils pas le même effet pour le cerveau de ce soi-disant étourdi !!!

Passereaux de nos campagnes, soyez sûrs que vous n’êtes pas les seuls à aimer le vin !!!

mardi 14 juin 2011

Courcôme - « Le Petit Village de la Croix Geoffroy » il y a soixante dix ans.

Pourquoi ce nom à rallonge ? Plusieurs fois déjà, on a posé cette question. La proximité du village de La Croix Geoffroy semble l’expliquer et ce nom est explicitement utilisé dans des actes notariés datant de 1673.

De là, comme disait Goulebenéze « Au vent des souvenirs, ce soir, j’ai fait un rêve et j’ai vu refleurir sortant d’un vieux coffret en une heure charmante, autant qu’elle fut brève, le rappel d’un passé que mon village m’offrait »

Oui, j’ai revu ce chemin très étroit qui partait de la grande route pour pénétrer dans ce petit coin. Il était si resserré que les charrettes de foin étaient bien peignées, lissées par les pruniers d’un jardin, d’une part, et le mur de l’autre. L’attelage devait tirer très fort pour se sortir de cet étranglement. Devenant pénible, une situation nouvelle vit le jour. Sous l’instigation du Maire M. Gaston Goumain et l’accord des propriétaires riverains, l’élargissement de cet accès unique se réalisa. Nous avons alors cédé une bande de notre jardin et Denis Moreau laissa démolir un petit bâtiment très exigu.

Dans la foulée de ces transformations, cette voie communale fut goudronnée. Plus de chemin blanc, ni de cailloux, on passait librement.

Empruntant cette voie étroite, on arrivait chez les Segeard Anatole et Léocadie. Petits cultivateurs, ils vivaient sur leur propriété avec quelques bêtes. L’allée, qui s’ouvrait devant nous, faîte de buis bien taillés était fermée par un ancien portail à la ferronnerie bien tournée. Puis au pied de la porte de la maison, poussait un grenadier, arbre curieux et peu commun dans la région. Il portait de gros fruits rouges qui faisaient plaisir à contempler avec étonnement. Anatole avait pour travailler un grand mulet blanc imposant par sa taille. Un jour qu’il était attelé à un râteau, plus leste que son maître, il parti à toute allure, lui faussant compagnie. Il passa entre les coins de mur sans accrocher et s’arrêta à la barrière. Anatole de s’écrier : « Arrête, fais-tu partie de l’aviation, le mulet ? ». Le ton et la chanson en firent une anecdote inoubliable. Impuissance de l’homme en face de l’animal vainqueur.

Aujourd’hui à cet emplacement ce sont M et Mme Texandier qui vous accueilleraient.

Sortant de cette ferme, un peu en retrait nous arrivions chez « la Suzanne » (Ce la n’est pas péjoratif, seulement une coutume)  Flaud de son nom, cette grande femme assez alerte menait au champ son petit troupeau de chèvres et de moutons. Elle « binochait » son jardin et ne faisait qu’une piètre récolte. Passée entre plusieurs mains, la maison, subit des transformations qu’améliorèrent  encore M et Mme Piveteau.

Juste à côté de cette petite et pauvre demeure, j’ai vu vivre, Georges et Marie Flaud, les parents d’Alban. J’ai connu le père, de santé précaire et je revois « la Marie » avec son tablier en sac de jute et son parler étrange. Intrigante cette petite bonne femme car malgré tous ses efforts parlait le patois des abords du Limousin. Eux aussi cultivaient une petite « benasse » et possédaient un mince troupeau de moutons et de chèvres. Marie faisait donc, comme toute femme de maison, du fromage. Elle les faisait sécher dans un petit bâtiment attenant à la maison sur des étagères à sa hauteur, c’est-à-dire assez basses. Un beau jour, elle s’aperçut que ses fromages disparaissaient. Quel pouvait être l’auteur de ce larcin ? Un matin nous nous sommes aperçu que c’était notre petit chien « Bobi » qui filait rapide comme l’éclair vers la route. Le suivant du regard nous l’avons vu se faufiler derrière les grands buis. Il revint sans encombre, fier de sa prouesse. Alors là, nous sommes allés découvrir, le butin de ce caprice canin ! Des fromages entiers et bien alignés. Nous nous sommes empressés de dire à la marie de boucher la chatière du bas de sa porte. La séance fut immédiatement levée et les chabichous restèrent sur l’étagère. Quelle idée de chien !!!

Les Flaud connaissaient seulement les foires de Ruffec où ils allaient faire certaines emplettes et surtout vendre la laine des moutons. Comme tout le monde à cette époque, ils partaient en carriole avec leur chargement. Le marchand de laine, donnait en échange de cette fameuse « laine de pays » qui n’avait subi aucun traitement ; laine à tricoter, appréciée pour les chaussettes. Mais la plus belle sortie extérieure de l’année, c’était la St Barnabé – un peu endimanchés, je les revois partir en charrette « à l’âne » pour fêter la St Barnabé. Cette grande assemblée où, forains, tirs, manèges, confiseurs, et bien d’autres, attiraient  la curiosité de tous ces gens trépignant dans la poussière. C’était « Au bonheur d’un jour ».

Les maisons étaient, et encore aujourd’hui disposées autour d’une petite place, comme si la route s’était élargie. De là, le tambour municipal annonçait les avis du Maire et rassemblait les femmes en priorité. Elles en profitaient pour faire « canton ». oui, c’est ici qu’elles échangeaient les dernières nouvelles et qu’elles les commentaient à souhaits.

Jetant un coup d’œil sur la gauche, une chaumière, où vivait Phillibert Quittet. Célibataire, il n’avait pas de souci pour satisfaire à ses besoins, ses quelques lopins de terre lui suffisaient. Il avait un âne, qui tout à coup faisait entendre ses hi-hans tonitruants et prolongés. Cette bête trimbalait une toison cotonneuse de longs poils emmêlés dégoulinant le long de ses flancs. Son propriétaire d’âge avancé anticipait l’avenir en disant « Que ferons-nous, quand nous serons vieux ? ». Sa mère, c’était la « tisserante » du village. De son métier, se déroulait la toile de chanvre pour la confection des draps, des torchons et des chemises… mesdames, ce n’était point le coton douillet d’aujourd’hui. Les mauvaises langues font encore vilaine réputation à ceux qui existent encore aujourd’hui.

Phillibert avait pour voisins immédiats le vieux couple, Moreau Céline et Gabriel. Ils profitaient d’une façade ensoleillée qui réchauffait leurs douleurs. Ils étaient très âgés et vivaient péniblement, Gabriel avait le cœur fragile et usé. Céline avait un fils et une fille. Elle nourrissait Denis au sein et ma maman a profité comme lui de l’abondance de ce lait maternel. Denis et Antoinette étaient « frères de lait », mais ces pratiques de soi-disant relation fraternelle ne sont plus du goût du jour. Bref, la réalité était là et la bénéficiaire de ce précieux aliment est devenue quasi centenaire à quelques mois près.

Sortant de ce petit « canton » après avoir salué les propriétaires, M. et Mme Gémon qui ont transformé tout ce petit quartier, nous arrivons chez nous.

C’est aussi un très grand changement. Depuis les arrières grands-parents, Jean et Eulalie, marchands de moutons, la maison s’est agrandie pour abriter plusieurs générations. La cour de ferme, depuis longtemps n’a plus connu ces toits faits de bric et de broc. La ferme devint plus importante, exploitée tour à tour par Cailler, Allement et les occupants actuels Pelletier.

En face de nous, toujours là, depuis plusieurs siècles, les Coiteux Raymond vivaient comme les autres avec quelques bêtes. Loin derrière les autres voisins, ils ne connaissaient pas l’électricité. Ils y étaient opposés car disait la « Marie Coiteux » ça brûlerait les yeux. Avec le « challeuil » ils ne risquaient rien. La « Marie », je m’en souviens !!!Avec les moyens du bord, elle était tout de suite prête à me donner quelques gâteries. Je voisinais et je m’échappais sans souci de voir arriver une voiture. Je revenais de ma visite avec une pomme, une poignée de noisettes que je portais précieusement dans le coin de mon tablier. La « Coiteux » était contente et moi aussi. Gaston Raymond, son fils, occupa la maison encore longtemps, seul. Ce célibataire, curieux se cachait pour voir et écouter ce qui se passait. Mais ce défaut ne le rendait pas médisant ; après tout, pour lui, c’était peut être sa seule distraction !!! Ses ânes ne pouvaient lui parler, alors …

Mon tour de piste n’est pas terminé et je poussais la porte grinçante de ma grand-tante Véronique Lavauzelle. Passant par l’écurie, je lui portais très souvent, un peu du repas que ma grand-mère Alice avait préparé. D’une gentillesse naturelle, d’une grande bonté, de temps en temps, elle cherchait avec ses maigres moyens à me faire plaisir.

Le marchand ambulant de légumes, fruits, sardines passait dans le village. M. Duchazeau distribuait sa marchandise aux ménagères qui en avaient besoin et c’est ici que ma tante Véronqiue achetait pour moi soit une pêche, une pomme ou une banane. Elle était si heureuse de me l’offrir !!! Je la revois souriante et son sourire laissait entrevoir une rangée de dents blanches, alignées à la perfection. Elle n’a point connu le dentiste, cette pauvre femme !!! Pour mémoire, c’était la mère d’Hildevert et d’Albéric Lavauzelle. Elle m’aimait bien et moi aussi je l’aimais beaucoup et j’en parle encore souvent avec émotion. Dans cette petite demeure sont venus vivre Léonide et Marie Picaud. Assez rapidement Marie devint veuve avec ses soucis quotidiens. Elle allait en journée pour laver.

Mais elle aidait aussi à la cuisine de cochon. Denis Moreau avait tué la bête, la veille eu matin, et alors c’était tout un cérémonial. Les tripes et les boudins qu’elle enfilait avec maîtrise la rendait indispensable. Les grillons, la graisse étaient mis au feu et cuisaient longtemps. Après plusieurs heures, je la voyais plonger le doigt dans ce liquide bouillant.

-          Marie, tu vas te brûler !!!

-          Mais non, tu vois, elle est cuite, je ne sens rien.

Drôle de thermomètre qui s’avouait infaillible.

Plus âgée, pour nos enfants elle avait succédé à la tante. Ils revenaient en scandant fortement « Picaud, Picaud, gâteaux, gâteaux !!! » On ne peut oublier cette affabilité qui cachait parfois bien des soucis. Marie, tous, nous t’avons aimé !!!

La femme de Denis Moreau, Odette, a laissé le voisinage dans la tristesse, emportée par un mal sans rémission.

Voici notre village, plus peuplé autrefois qu’aujourd’hui. Un peu éloigné du centre « le Bourg », nous sommes la petite banlieue, le faubourg. Ne nous laissons pas oublier, je ne dirais pas ignorer, car nous faisons partie de cette communauté. Souvent les nouvelles ne viennent pas jusqu’à nous mais il faut reconnaître qu’il en est de même pour les autres panneaux d’affichage. Ils sont tous si pauvres en informations intéressantes et ce quand ils existent encore.

Nous aimons notre « Petite Village de la Croix-Geoffroy ».

Nous avons notre fierté et nous devons tous penser

                Qu’il a été

                               Qu’il est

                Qu’il sera dans les jours à venir.