La volaille débarrassée de ses habits mise à nu allait être flambée pour éliminer les sortes de soies qui avaient résisté.
Les canards suspendus par les pattes attendaient le lendemain pour être détaillés et cuisinés – le sang finissait de s’égoutter.
Rassemblées autour de la table de la cuisine, chacune des femmes s’afférait autour de ces blocs graisseux.
- Par quel bout commençait-on cette besogne affolante par le nombre des sacrifiés ?
- Je vais te faire la description telle que mes grands-mères la réalisaient.
On coupait la tête, on sectionnait le cou à sa base, on retirait la trachée et l’œsophage, on retournait la peau pour enlever la graisse. Ensuite on le coupait en tronçons. Chaque morceau allait dans des récipients différents.
Le canard était posé sur le dos, on fendait la poitrine de chaque côté de l’os du bréchet, on écartait la viande pour mettre la carcasse à nu. Cette chair était coupée par le milieu. On désossait les ailes et les cuisses et voici le confit préparé à l’ancienne. On enroulait toute la viande dans la peau qui recouvrait filet, aile et cuisse. On formait ainsi deux énormes boudins que l’on cousait. Les cous, les gésiers nettoyés, les cœurs ne seront pas oubliés pour la cuisson. Les tripes avaient été débarrassées de leur graisse. Toute cette viande avait mariné depuis la veille dans un peu de sel et poivre. On apportait un grand chaudron de fonte sur le feu de bois au ralenti car le tout devait fondre et surtout ne pas frire. On mettait de l’eau dans le fond du récipient. On versait le tout et on ajoutait du gras de porc. En général on faisait correspondre les deux « tueries ».
- Eh bien, ce n’est pas étonnant qu’il faille rassembler le village !!!
Quand la graisse commençait à fondre, il ne fallait pas abandonner de brasser avec une grande palette en bois réservée à cet usage. C’était bien souvent le rôle des anciens ; brasser et surveiller le feu. C’était indispensable à la réussite de cette cuisine.
On laissait le gras fondre et l’assaisonnement se faisait après avoir gouté, très peu de temps avant la fin de la cuisson. Cette dernière était vérifiée à l’aide d’un « couton de balai de coco ». S’il pénétrait sans difficulté le résultat était au point. On arrêtait alors le feu et c’était le moment de la mise en pot.
Les grands pots de grés recevaient les confits recouverts de graisse. On laissait refroidir et on les couvrait d’un papier journal attaché par une ficelle.
Sur le tenailler on disposait les petits qui se conservaient très bien à cette époque, les plus importants étaient rangés dans un bâtiment plus frais un genre de cellier.
Les petits morceaux de viande coupée pour former les confits et le porc gras et maigre se déposaient au fond du chaudron. C’étaient les grillons que l’on mettait en pot.
- Ma Chérie, certaines maitresses de maison cuisinent encore les canards provenant d’élevage où ils sont engraissés d’une façon industrielle. Le gavage est différent. D’autres personnes continuent l’élevage en achetant les petits canetons, les poussins sur les foires régionales et répètent le même procédé que nos grands-mères.
- Et tout çà Mamie, c’était sûrement très bon et il n’y avait pas de conservateur.