lundi 9 avril 2012

Au fil de l'eau !

De l’eau à Courcôme ? Oui et non.

Oui si l’on considère le Bief comme un ruisseau qui circule et sort de son lit l’hiver. La chaleur de l’été, il ne l’apprécie pas. Son parcours n’est plus alors qu’un énorme sillon vide, caillouteux, où les branches de la bordure s’entremêlent. Alors, sur notre territoire communal, nous n’avons plus d’eau.

Certaines années avec les pluies d’automne et d’hiver l’eau court dans la petite vallée en bas du bourg côté Est.

C’est un phénomène naturel et éphémère puisqu’il n’est dû qu’au débordement des sources.

 Ce qui, au premier abord aiguise la curiosité, c’est la découverte inattendue (avant ou après le pont de chemin de fer) d’un terrain en cuvette rempli d’une eau abondante et claire. Les haies aux couleurs d’automne s’y mirent pour nous offrir un superbe tableau.

On peut facilement imaginer une immense piscine où l’eau s’installe pour y dormir paisiblement. Il n’en est rien. Nous allons la retrouver suivant le fossé le long de la route après s’être engagée dans d’énormes buses.

Mais d’où vient-elle donc cette eau ?

C’est du Puits du Breuil (direction Nord) que démarre ce défilé limpide. Dans le fond d’un champ, presque au pied d’un coteau boisé, émergent les restes d’un vieux puits qui a perdu certains de ses attributs. Seule, une margelle disloquée témoigne de sa présence. Bien abimé dira-t-on, mais témoin de son ancienne vocation. En effet cette source généreuse ravitaillait les habitants du village voisin de « La Tachonnerie ».

Les égouts des terres viennent grossir l’épanchement de ce puits et toute l’eau se dirige vers le fameux déversoir. De là, sa sortie était freinée par un défilé trop étroit pour le courant. Un aménagement a permis une course plus rapide dans un fossé profond qui longe la route départementale. On n’a plus le phénomène d’une mini inondation comme il s’était passé en 1982. L’eau coupait alors la route. Maintenant elle s’écoule en pleine liberté, passe sous la route pour occuper une prairie. De là, elle s’échappe par deux petits ponts et continue son chemin sinueux vers la Fourdille.

Le ruban argenté arrive, léchant l’herbe des prés, à la « Fourdille ». Ce puits de « La Fourdille » en bas du Petit-Village fut une source de vie pour les habitants. A l’heure actuelle, on peut l’admirer tel qu’il était au moment où l’on utilisait quotidiennement. Son état de bonne conservation doit nous rappeler la mémoire de James Texandier. Cet homme attaché au patrimoine lui a redonné  un regain de jeunesse en le coiffant d’un beau chapeau de tuiles. Il a ajouté une lourde plaque pour le fermer aux regards inquisiteurs des imprudents et aux projectiles lancés par des mains destructrices.

Notre puits « jette ». La source qui l’alimente sort de la goulotte à sa base. Elle remplit une petite retenue où les ménagères viendront solliciter cette eau courante. On l’utilisait au maximum. C’est ici, qu’avec une brouette chargée de la lessive on venait rincer le linge. Les femmes agenouillées sur un paquet de paille lançaient chaque morceau et l’accompagnaient à bout de bras pour que le savon soit emporté plus loin. Le bouillonnement s’en chargeait et on voyait l’écume partir sans difficulté.

La journée de « goraille » on y descendait un panier du ventre du cochon, on le vidait en remplissant les boyaux et l’eau en emportait le contenu. On les lavait, on les relavait, on les détournait pour les rapporter pour les boudins et les andouilles.

L’eau du puits, toute l’année assurait les servitudes de la maison et des animaux. Les bêtes s’abreuvaient aux grandes « bassies » taillées dans la pierre. On les remplissait avant leur arrivée. Les bousculades étaient fréquentes, les vaches se cornillaient pour approcher.

A la maison on utilisait l’eau pour la cuisine et on se lavait les mains au mince filet de la cassotte. L’ingéniosité des hommes les amena à creuser des citernes pour y récolter l’eau de pluie. Mais avant il fallait donc puiser l’eau. On descendait un seau à l’aide d’une chaîne se déroulant sous l’action d’une manivelle. Comme il était descendu rapidement le seau plein remontait péniblement la fameuse chaîne s’enroulant sur le tour.

Il fallait des bras vigoureux pour remonter au village. Les hommes plus costauds rapportaient le précieux liquide avec une « courge » : c’était un gros bâton passant derrière la tête, entaillé à chaque extrémité pour supporter le poids des gros seaux.

Ne faisons pas de ce lieu qu’un lieu de dur labeur, car des attraits incontournables se présentaient aux enfants. Sur l’eau fuyante on pouvait voir et admirer de petits chefs d’œuvre de moulinets qui tournaient infatigablement. Faits de brindilles ces petites merveilles agitaient leurs pales fragiles sous les yeux admiratifs de jeunes enfants.

Les plus grands s’adonnaient à des expériences plus valorisantes. Se voyant sur une immensité d’eau, ils improvisaient et confectionnaient des embarcations rudimentaires faites de douelles de barrique. Ils embarquaient sur ces pirogues de fortune et tous riaient à gorge déployée. Quelques minutes de fou rire et nos moussaillons chaviraient plongeant avec l’engin. Belle aventure !!! oui, mais… Il fallait revenir à la maison et y affronter les foudres maternelles. Avant toute chose on les retrouvait nus, dépouillés de leurs vêtements collants, devant le feu de cheminée. Les yeux réprobateurs de la maman ne pouvaient que céder devant le bonheur encore accroché à leurs pupilles ravies.

Les hommes aguerris au froid n’hésitaient pas à suivre le long des prés pour chasser le gibier d’eau. Quand la terre était gelée ils guettaient l’arrivée des grives et des merles venus se restaurer. Affamés aussi, les « Fia Fia » s’approchaient (fia fia c’est le cri d’une sorte de grosse grive). Nos hommes soutenus par leur instinct de chasseur restaient là, des heures entières à trépigner. Ils revenaient suivant le temps plus ou moins propice, avec une carnassière garnie et ils évitaient ainsi la « bénédiction enflammée » de leur bourgeoise. Ils étaient heureux de pouvoir présenter leurs pieds raidis à la flamme du foyer.

Après la Fourdille prenons le chemin qui longe les prés pour arriver au « Puits de Gensac ».  Ce vieux monsieur reste comme témoin du travail éreintant de son constructeur. De sa gueule grande ouverte au pied de sa margelle avachie sort une eau abondante et claire. Fraîche et buvable cette eau alimentait les occupants de la maisonnette du chemin de fer. Le surplus de cette source s’étire mollement à travers un gué très long avant de s’engager sous « le Pont de la Cave ». Au dessus, la route de Tuzie voit passer bon nombre de véhicules. De l’autre côté, l’eau se faufile dans plusieurs défilés avant de recouvrir une grande prairie. Là le bief arrive et s’étale généreusement. Ce sont « les Prés de la Font ». La Font des Combeaux, celle de Magnez, du « Puits de la Ville », ont formé et grossit le Bief. Nous retrouvons ici « La Fontaine ». un lavoir au toit de zinc abritait il y a longtemps déjà des bassins, une cheminée une grosse pompe à bras.

Ici c’était les grandes lessives qui s’appropriaient l’eau pour le rinçage. On y venait en carriole, le cheval, le mulet piaffaient, attachés à une boucle, ils attendaient la fin des opérations.

C’est de ce point de « La Fontaine » que partit l’eau de l’adduction en 1942. Il faut garder en mémoire que Monsieur Elie Maire de la commune, fut l’instigateur de ce projet.

Flottant au gré du courant, avant de franchir le pont conduisant dans les prés,  le cresson et les grandes herbes étaient entremêlés. Nos aïeux appelaient « zible » ces plantes aux fruits noirs qui dominaient les autres.

C’est ici qu’on peut voir passer comme un éclair les gracieuses poules d’eau. Elles sautillent, plongent et ressortent plus loin. On les cherche du regard et elles le sentent. Quelque fois leur nid flotte dans les herbes.

Il est d’autres animaux aimant bien les bords du ruisseau. Ces prédateurs aux longues incisives jaunes, creusent les berges. Pour beaucoup, ils sont laids et on les appréhende en pensant à un sujet préhistorique. Ce sont les ragondins ravageurs, envahisseurs et destructeurs. Que les amateurs, les mettent donc en pâté !!! C’est paraît-il délicieux aucune appréciation personnelle ne peut confirmer le bon goût de ce procédé.

Après avoir erré dans les herbes, dans son lit, le Bief continue son cours pour devenir quand c’est possible un affluent de la « Charente ».

Dans ce petit coin de chez nous, où les attractions naturelles ou patrimoniales ne sont pas nombreuses, point de touristes pour venir admirer ce tableau.

Les Courcômois, se déplacent à la période de ces mini crues et s’extasient devant cette mer argentée qui ondule au gré du vent. Bien souvent, les plus courageux attaquent la montée pour rejoindre la « Bassie du Loup ». Loup-y es-tu ? Entends-tu ?

Aucun signe, le loup n’est plus ici. Seule la bassie vous raconte la légende.

De toute façon

Promenons nous à la fontaine.

Profitons de ce furtif phénomène

Personne, pourtant, ne peut l’arrêter

Même la plus habile autorité.