Oui si l’on considère le Bief comme un ruisseau qui circule
et sort de son lit l’hiver. La chaleur de l’été, il ne l’apprécie pas. Son
parcours n’est plus alors qu’un énorme sillon vide, caillouteux, où les
branches de la bordure s’entremêlent. Alors, sur notre territoire communal,
nous n’avons plus d’eau.
Certaines années avec les pluies d’automne et d’hiver l’eau
court dans la petite vallée en bas du bourg côté Est.
C’est un phénomène naturel et éphémère puisqu’il n’est dû
qu’au débordement des sources.
On peut facilement imaginer une immense piscine où l’eau
s’installe pour y dormir paisiblement. Il n’en est rien. Nous allons la
retrouver suivant le fossé le long de la route après s’être engagée dans
d’énormes buses.
Mais d’où vient-elle donc cette eau ?
C’est du Puits du Breuil (direction Nord) que démarre ce
défilé limpide. Dans le fond d’un champ, presque au pied d’un coteau boisé,
émergent les restes d’un vieux puits qui a perdu certains de ses attributs.
Seule, une margelle disloquée témoigne de sa présence. Bien abimé dira-t-on,
mais témoin de son ancienne vocation. En effet cette source généreuse
ravitaillait les habitants du village voisin de « La Tachonnerie ».
Les égouts des terres viennent grossir l’épanchement de ce
puits et toute l’eau se dirige vers le fameux déversoir. De là, sa sortie était
freinée par un défilé trop étroit pour le courant. Un aménagement a permis une
course plus rapide dans un fossé profond qui longe la route départementale. On
n’a plus le phénomène d’une mini inondation comme il s’était passé en 1982.
L’eau coupait alors la route. Maintenant elle s’écoule en pleine liberté, passe
sous la route pour occuper une prairie. De là, elle s’échappe par deux petits ponts
et continue son chemin sinueux vers la Fourdille.
Le ruban argenté arrive, léchant l’herbe des prés, à la
« Fourdille ». Ce puits de « La Fourdille » en bas du
Petit-Village fut une source de vie pour les habitants. A l’heure actuelle, on
peut l’admirer tel qu’il était au moment où l’on utilisait quotidiennement. Son
état de bonne conservation doit nous rappeler la mémoire de James Texandier.
Cet homme attaché au patrimoine lui a redonné
un regain de jeunesse en le coiffant d’un beau chapeau de tuiles. Il a
ajouté une lourde plaque pour le fermer aux regards inquisiteurs des imprudents
et aux projectiles lancés par des mains destructrices.
Notre puits « jette ». La source qui l’alimente
sort de la goulotte à sa base. Elle remplit une petite retenue où les ménagères
viendront solliciter cette eau courante. On l’utilisait au maximum. C’est ici,
qu’avec une brouette chargée de la lessive on venait rincer le linge. Les
femmes agenouillées sur un paquet de paille lançaient chaque morceau et
l’accompagnaient à bout de bras pour que le savon soit emporté plus loin. Le
bouillonnement s’en chargeait et on voyait l’écume partir sans difficulté.
La journée de « goraille » on y descendait un
panier du ventre du cochon, on le vidait en remplissant les boyaux et l’eau en
emportait le contenu. On les lavait, on les relavait, on les détournait pour
les rapporter pour les boudins et les andouilles.
L’eau du puits, toute l’année assurait les servitudes de la
maison et des animaux. Les bêtes s’abreuvaient aux grandes « bassies »
taillées dans la pierre. On les remplissait avant leur arrivée. Les bousculades
étaient fréquentes, les vaches se cornillaient pour approcher.
A la maison on utilisait l’eau pour la cuisine et on se
lavait les mains au mince filet de la cassotte. L’ingéniosité des hommes les
amena à creuser des citernes pour y récolter l’eau de pluie. Mais avant il
fallait donc puiser l’eau. On descendait un seau à l’aide d’une chaîne se
déroulant sous l’action d’une manivelle. Comme il était descendu rapidement le
seau plein remontait péniblement la fameuse chaîne s’enroulant sur le tour.
Il fallait des bras vigoureux pour remonter au village. Les
hommes plus costauds rapportaient le précieux liquide avec une
« courge » : c’était un gros bâton passant derrière la tête,
entaillé à chaque extrémité pour supporter le poids des gros seaux.
Ne faisons pas de ce lieu qu’un lieu de dur labeur, car des
attraits incontournables se présentaient aux enfants. Sur l’eau fuyante on
pouvait voir et admirer de petits chefs d’œuvre de moulinets qui tournaient
infatigablement. Faits de brindilles ces petites merveilles agitaient leurs
pales fragiles sous les yeux admiratifs de jeunes enfants.
Les plus grands s’adonnaient à des expériences plus
valorisantes. Se voyant sur une immensité d’eau, ils improvisaient et
confectionnaient des embarcations rudimentaires faites de douelles de barrique.
Ils embarquaient sur ces pirogues de fortune et tous riaient à gorge déployée.
Quelques minutes de fou rire et nos moussaillons chaviraient plongeant avec
l’engin. Belle aventure !!! oui, mais… Il fallait revenir à la maison et y
affronter les foudres maternelles. Avant toute chose on les retrouvait nus,
dépouillés de leurs vêtements collants, devant le feu de cheminée. Les yeux
réprobateurs de la maman ne pouvaient que céder devant le bonheur encore
accroché à leurs pupilles ravies.
Les hommes aguerris au froid n’hésitaient pas à suivre le
long des prés pour chasser le gibier d’eau. Quand la terre était gelée ils
guettaient l’arrivée des grives et des merles venus se restaurer. Affamés
aussi, les « Fia Fia » s’approchaient (fia fia c’est le cri d’une
sorte de grosse grive). Nos hommes soutenus par leur instinct de chasseur
restaient là, des heures entières à trépigner. Ils revenaient suivant le temps
plus ou moins propice, avec une carnassière garnie et ils évitaient ainsi la « bénédiction
enflammée » de leur bourgeoise. Ils étaient heureux de pouvoir présenter
leurs pieds raidis à la flamme du foyer.
Après la Fourdille prenons le chemin qui longe les prés pour
arriver au « Puits de Gensac ». Ce vieux monsieur reste comme témoin du travail
éreintant de son constructeur. De sa gueule grande ouverte au pied de sa
margelle avachie sort une eau abondante et claire. Fraîche et buvable cette eau
alimentait les occupants de la maisonnette du chemin de fer. Le surplus de
cette source s’étire mollement à travers un gué très long avant de s’engager
sous « le Pont de la Cave ». Au dessus, la route de Tuzie voit passer
bon nombre de véhicules. De l’autre côté, l’eau se faufile dans plusieurs
défilés avant de recouvrir une grande prairie. Là le bief arrive et s’étale
généreusement. Ce sont « les Prés de la Font ». La Font des Combeaux,
celle de Magnez, du « Puits de la Ville », ont formé et grossit le
Bief. Nous retrouvons ici « La Fontaine ». un lavoir au toit de zinc
abritait il y a longtemps déjà des bassins, une cheminée une grosse pompe à
bras.
Ici c’était les grandes lessives qui s’appropriaient l’eau
pour le rinçage. On y venait en carriole, le cheval, le mulet piaffaient,
attachés à une boucle, ils attendaient la fin des opérations.
C’est de ce point de « La Fontaine » que partit
l’eau de l’adduction en 1942. Il faut garder en mémoire que Monsieur Elie Maire
de la commune, fut l’instigateur de ce projet.
Flottant au gré du courant, avant de franchir le pont
conduisant dans les prés, le cresson et
les grandes herbes étaient entremêlés. Nos aïeux appelaient « zible »
ces plantes aux fruits noirs qui dominaient les autres.
C’est ici qu’on peut voir passer comme un éclair les
gracieuses poules d’eau. Elles sautillent, plongent et ressortent plus loin. On
les cherche du regard et elles le sentent. Quelque fois leur nid flotte dans
les herbes.
Il est d’autres animaux aimant bien les bords du ruisseau.
Ces prédateurs aux longues incisives jaunes, creusent les berges. Pour
beaucoup, ils sont laids et on les appréhende en pensant à un sujet
préhistorique. Ce sont les ragondins ravageurs, envahisseurs et destructeurs.
Que les amateurs, les mettent donc en pâté !!! C’est paraît-il délicieux
aucune appréciation personnelle ne peut confirmer le bon goût de ce procédé.
Après avoir erré dans les herbes, dans son lit, le Bief
continue son cours pour devenir quand c’est possible un affluent de la
« Charente ».
Dans ce petit coin de chez nous, où les attractions
naturelles ou patrimoniales ne sont pas nombreuses, point de touristes pour
venir admirer ce tableau.
Les Courcômois, se déplacent à la période de ces mini crues
et s’extasient devant cette mer argentée qui ondule au gré du vent. Bien
souvent, les plus courageux attaquent la montée pour rejoindre la « Bassie
du Loup ». Loup-y es-tu ? Entends-tu ?
Aucun signe, le loup n’est plus ici. Seule la bassie vous
raconte la légende.
De toute façon
Promenons nous à la fontaine.
Profitons de ce furtif phénomène
Personne, pourtant, ne peut l’arrêter
Même la plus habile autorité.