Aujourd’hui, partons à la découverte d’une autre « belle » de notre département.
Ma grand-mère me racontait que ses parents portaient des sabots de bois taillés grossièrement dans la masse. Quelque peu informes, on les garnissait de paille ou de fougères sèches pour éviter le ballotement et garder les pieds chauds.
A cette époque on parlait plus facilement de savates que de pantoufles. Des calembours inoubliés trottent encore dans la mémoire des anciens.
- « Regarde, il marche d’un bot, d’une savate ! » c’était exprimer la misère qui habitait le pauvre hère.
- Le chemineux, c’était un « traîne savate » qui promenait son mal être sur les routes des campagnes les pieds quasi dénudés.
Ceux qui chaussaient les sabots furent émerveillés de voir arriver sur les foires, les « feutres ». Ils passaient alors chez le sabotier faire tailler des sabots à leur mesure. Nous sommes au XVIIème siècle.
Déjà le progrès faisait son chemin et on utilisa la vraie « charentaise ». D’où venait cette nouveauté ?
Un journal bien informé leva le voile du secret. Là, il nous faut être humble et honnête en apprenant qu’en réalité nos fameuses pantoufles sont nées à Rochefort en Charente « inférieure ». Elles sont alors fabriquées avec des restes de tissus : drap, droguet et les feutres réformés des papeteries de la région d’Angoulême. Après avoir contrôlé les lots de tissu, partaient vers Rochefort, ceux de moindre qualité.
Les meilleures étoffes servaient à la fabrication des cabans de marins sous l’instigation de Colbert et de Turgot. Elles voyageaient d’Angoulême à Rochefort.
Les premières charentaises, toute de feutre étaient portées par les domestiques à Versailles afin de se déplacer sans bruit. Louis XIV était très sensible au bruit « feutré » de ces pantoufles aussi appelées les « silencieuses ».
Vers le milieu du XIX on utilisa en semelle une croûte de cuir. La « basane » permettait d’enfiler les sabots.
Voici qu’apparaît un procédé nouveau, la vulcanisation. La semelle faite au moule sans couture est fixée au tissu par une bande de caoutchouc fondu. Le dessus-écossais, l’intérieur fait de laine se portait facilement même à l’extérieur, grâce à son isolation au sol.
Au XXème siècle, certains docteurs recommandèrent les « charentaises » pour donner confiance en ce type de chausson. Déjà de la publicité ? Un peu sans doute !!! Le docteur Jeva dont l’usine existe toujours aux environs de La Rochefoucauld à Chasseneuil sur Bonnieure, inventa au début du XXème le collage du feutre et les motifs écossais qui caractérisent les vraies « charentaises ».
Si les domestiques royaux portaient déjà ces pantoufles, d’autres célébrités n’ont pas hésité à faire honneur à nos « charentaises ».
Proche de nous, un adepte célèbre en la personne du général De Gaulle, les faisait fabriquer sur mesure (grandeur oblige).
François Mitterand et Laurent Fabius offraient à leurs pieds cette douce garniture. Monsieur Mitterand poussait l’élégance à les choisir en velours noir brodé d’une rose rouge.
Malgré tout leur confort, leur légèreté et leur douceur, les « charentaises traditionnelles » paraissent aux yeux des plus jeunes désuètes et seulement réservées aux pensionnaires des maisons de retraite.
Mais le journal « Sud-Ouest » du 17.11.2008 nous révèle que l’arrêt de mort de cette fabrication locale n’est pas encore signé.
Déjà, la maison Rondinaud était leader européen en expédiant plus de 500 modèles dans le monde entier.
Aujourd’hui, fini ce soi-disant style grand-mère car 3 entreprises charentaises et une dordognote, sous l’impulsion du Conseil Général et sous la houlette de Charente Développement, se sont associées pour lancer une nouvelle collection haut de gamme, sous la marque Tcharentaise :
- Laubuge (à Mornac - 16)
- Ferrand (à Villebois - 16)
- Degorce (à Marthon - 16)
- Fargeot (à Thiviers - 24)
Elles expédient des centaines de paires dans les magasins parisiens. D’autres partent vers la Suisse, le Japon et les Etats-Unis.
Souhaitons un bel avenir à la Tcha. Qu’avec toutes les qualités de son ancêtre, elle suive la mode pour satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante. Nouveaux coloris et motifs et même des versions « haute couture » fabriquées avec des matériaux de luxe (cachemire et vison !)
Que pouvons-nous faire de mieux que de chausser, nous aussi, la tcha-rentaise, même la plus modeste pour honorer notre pays, la Charente ?
La « Charentaise » a été souvent chantée, par exemple :
- Renaud – L’auto-stoppeuse :
« Elle a r’tiré ses charentaises, bonjour l’odeur, pour roupiller super à l’aise pendant trois heures ! »
- Manau – Faut pas faire chier Mémé :
« Et même dehors pour se déplacer elle met des charentaises aux pieds »
- Les Binuchards – Les charentaises :
« L’amour en pantoufles ? Non ! L’amour en chaussons, non ! L’amour en Charentaises, et l’on vient de loin, pour les enfiler nos belles Charentaises » etc….
« Pour les faire durer, quand on y est fourré, faut pas les ébouiller »...
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