samedi 10 avril 2010

Les repas quotidiens

- Pourquoi, Mamie veux-tu me parler de cuisine et de repas ?
- Ma chère petite Alice, tu ne peux pas imaginer ce que fut la façon de s’alimenter chez nos arrières grands-parents. On ne parlait pas de gastronomie, mais on aurait pu dire à cette époque que l’on mangeait « bio »

Les repas se réduisaient à bien peu de choses. Ils étaient surtout d’une désolante monotonie.
- Pourquoi ?
- Chaque jour on apportait sur la table – le pain fait maison – on le sortait, lorsqu’il était entamé, de la tirette du bout de la table.



Le fromage de chèvre était le roi du menu. Plus tard, il fut détrôné par les « grillons ». Quelques fois seulement, on mangeait des sardines de barriques.
- De barriques ?
- Oui, elles étaient petites et salées et leur nom provenait de leur conservation en barrique, disposées en rosaces, elles devenaient sèches et un peu aplaties.

Les emplettes se faisaient à la foire. La culture se développa ainsi que l’élevage et les repas connurent une amélioration. On demanda à la terre plus que des plantes sauvages, on la fit produire en fonction des besoins.

- Comment mangeait-on le matin par exemple à ce moment là ?
- C’était au quart du siècle précédent que la cuisine devint plus variée. Le matin on se levait, l’été avec le soleil, l’hiver un peu plus tard, mais les bêtes étaient là qui servaient d’aiguillon pour sortir du lit. Le fermier buvait une tasse de café et chicorée. Parfois on faisait resservir le marc de café une seconde fois.
Le pansage des chevaux était primordial. Ils devaient être prêts à partir au travail quand leur maître serait prêt lui-même. Les femmes embauchaient la traite des quelques vaches et chèvres.
Enfin c’était l’heure de couper « une goulée ». Sur la table avec le pain, le fromage, les grillons. On buvait de la « piquette », le vin n’était pas assez abondant. Les femmes buvaient plutôt du lait avec du café et un quignon de pain agrémenté à leur goût.

A midi, la ménagère servait la soupe au lard frais ou salé, la potée avec les légumes du potage. L’usage du vin devint plus fréquent. Alors, les messieurs en général, quelques femmes aussi appréciaient de faire « godaille ».
- Qu’est-ce que c’est cette nouveauté ?
- Nouveauté, non, mais c’est encore une tradition dans certaines familles.
- Rassures-toi, ma petite, je ne te convierai pas à cette dégustation qui ne me tente pas. Alors voici comment se présentait cette fameuse « godaille ».

On mélangeait dans l’assiette, encore chaude, du bouillon, du vin rouge avec quelques cuillères restantes. L’assiette se remplissait jusqu’au bord. On faisait un « mouille-pouce ». Puis d’un geste sacré, les yeux brillants d’envie, les hommes portaient à la bouche la lourde assiette creuse. Ils appréciaient les perles de gras du bouillon qui dansaient dans l’assiette. Quelques fois, les moustachus en gardaient quelques échantillons jusqu’à ce qu’ils l’essuient d’un revers de la main.

Pour finir un peu de fromage, peut être quelques noix. Dans les maisons où il y avait des domestiques, lorsque le patron fermait son couteau, ils devaient sortir de table.
Le repas terminé, les femmes s’affairaient autour du petit chaudron suspendu à la crémaillère, où avait chauffé l’eau de la vaisselle.

Avec le bouchon de vaisselle elles nettoyaient les cuillères d’étain, les dangereuses fourchettes en fer très pointues et les plats de terre, de faïence, de « cailloux charentais »

- C’était de la pierre Mamie ?
- Ces plats à la poterie très dure étaient vernissés de blanc à l’intérieur et marron à l’extérieur. Les soupières, les plats creux, les saladiers ont traversé les siècles pour devenir non plus utilitaire mais décoratif.

En général, la vaisselle se transmettait de mère en fille.
- Tu en as encore Mamie ?
- Oui Alice, certains plats sont partis en morceaux, d’autres ont été happés et quelques uns ont résisté.

Mais il est 17 heures, il est temps de retrouver nos hommes aux champs.
L’été surtout on faisait collation. On coupait la goulée fourrée de grillons et on buvait un coup de vin mis au frais à l’ombre.
Le soir, c’était le « mijot »
- Encore une nouveauté ?
- Non, c’est une très vieille coutume.
Çà consiste à faire tremper un peu à l’avance, des petits morceaux de pain dans un mélange de vin et un peu d’eau sucrée. Pas de réfrigérateur, on le tient au frais dans un seau d’eau fraîche s’il est possible que l’on descend dans un puits.

Puis vint une période plus proche de nous au début du XXème siècle – la viande entrait dans les menus quotidiens. Les volailles, poules, poulets, lapin, canard et bien sûr toujours le cochon.
- il n’y avait pas de volailles avant ?
- si ma chérie, mais on les vendait pour acheter d’autres marchandises, alors on en mangeait moins.

Avec l’évolution, on commença à vivre un peu plus largement.
Le poulet en fricassée, la poule au pot. Le lapin en civet, la canard en confit.
Le porc était la plus grande ressource pour les repas vite faits. Le petit salé était conservé dans un saloir « une pinate » pendant des mois. Du porc on mangeait le boudin, l’andouille, la sauce de pire, les couennes qui agrémentaient d’une saveur particulière les « mongettes ou mojhettes » Quel délice !!!
La salade de pissenlits et de mâche complétait ce fameux plat.
Les civets, la sauce « rouillouse » permettaient de saucer son pain. On était plus vite rassasié.
Les confits de canard cuits dans leur graisse, étaient mis en pot recouvert de graisse, quelques grains de gros sel. On les coiffait de papier attaché avec du raphia. Ils attendaient des mois sur le tenailler.
Les jambons étaient suspendus pour sécher.

Tabouret - boîte à sel

Tous ces produits sains de nos anciennes fermes qui feraient saliver les gourmets étaient simples et bien préparés.
- Le soir, que mangeait-on ?
- Et bien, la journée finie, les bêtes traites, les hommes revenus des champs, les femmes du lavoir par exemple, on était tous fourbus. Alors rien de recherché ! une omelette aux pommes de terre, aux herbes, des œufs à « la bourriquette », un gros grillon que l’on tirait de la graisse. Le fromage était fait maison aussitôt après la traite. L’hiver on mettait la préparation lait et présure au coin du feu dans la « jalonne » (pot en terre réservé à cet usage).