samedi 15 mai 2010

Un dimanche en famille

Allo, Mamie !
Oui
Dimanche nous avons projeté de nous rendre déjeuner avec vous !
Avec plaisir ma chérie !
Faut-il que je prépare un gâteau ?
Non, cette fois-ci je veux vous faire partager un des repas de ma grand-mère
Qu’est ce que tu vas nous faire ?
Vous verrez ! c’est une surprise toute simple quasi-moyennageuse
La surprise se déroule pour moi avec une seule difficulté. Il faut que je me remette à la cheminée. Indispensable chers amis !!!
Donc voici le récit du déroulement de ce rite dominical.
J’ajouterai également pour gonfler ton livre de jeune cuisinière une vieille recette. Pour moi ? oui pour toi.
Le repas du dimanche était un repas amélioré. Le poulet servi avec des pommes de terre bouillies ou cuites dans la graisse de cochon cuisait devant le feu dans un « calin ». Cette cocotte en fonte avait des pattes et dessous on pouvait mettre des braises. Le couvercle était aussi garni de charbons ardents. Ancien, très ancien four de nos arrières grands-mères qui rôtissait à point le volatile. Point de thermostat, tout se faisait par un mélange de savoir-faire et d’à peu près. L’odeur révélait le niveau de cuisson. Quelquefois on avait droit à la sauce rouillouse car on avait conservé le sang du poulet.
La salade de pissenlit des prés attendait dans le saladier au bout de la table avec le fromage fait maison.
Le repas du dimanche s’agrémentait d’un dessert tout à fait simple qui ravissait petits et grands.
Les œufs au lait et le « tourteau sous flamme » se succédaient un dimanche sur deux. Ce fameux tourteau n’était qu’une crêpe épaisse qui cuisait à la poêle.

Le filtre à café était prêt à entrer en action. Le café, moulu au moulin à café à main additionné de chicorée en grain, arrosé de l’eau bouillante d’une cafetière en fer blanc placée devant le feu, allait terminer le repas ou presque le terminer.
- Pourquoi tu dis presque Mamie ?
- En bon charentais on apprécie « la goutte »
- Qu’elle goutte ?
La bouteille « d’eau de vie » apportait une note de gaieté sur la table. Les hommes étaient les plus empressés à tendre leur verre. Cette « liqueur des dieux » parfois un peu forte faisait tressaillir les petits tempéraments. C’était l’instant sacré de la « rincette ». Les femmes se contentaient de prendre « un canard » (un sucre trempé). Cette eau-de vie blanche n’était pas affranchie en fût de chêne comme le cognac actuellement.

Ce jour là, le dimanche, on prenait le temps – on s’attardait à table – la famille au complet, parents, enfants et anciens racontait leurs souvenirs d’école, de régiments.
On était resté en dimanche et après la messe on avait pris le temps de discuter entre voisins, avec les gens de Tuzie et des hameaux.
- Vous parliez de quoi Mamie ?
- On se demandait le « portement » (comment allez-vous ?) Puis, on s’initiait aux dernières nouvelles du village, on parlait d’un tel, d’une telle. Sauf quelques familles plus élevées dans le rang social ne prenaient pas part à ces conversations un peu trop terre à terre. En tous les cas, l’ « Ite Missa est » était donné à tous pour reprendre le chemin de chez soi.



Déjà on pensait au lundi, le travail qui attendait chacun au soleil, au grand air mais en grande liberté.

Mais pour vous montrer, mes enfants, que les charentais savent bien manger, je vais te faire pénétrer dans le royaume des fines tables qui n’étaient point celles du quotidien (même de nos jours).

Voici un menu de plats charentais servi le 20 juin 1935 aux journées régionalistes, à la salle des fêtes de l’Hôtel de ville d’Angoulême.

Une soupe aux choux
Godaille
Les grillons charentais
La truite au beurre
Les cagouilles farcies
La poularde de Barbezieux
Trou du milieu
Les petits pois
Les foies gras de Ruffec
La salade à l’huile de noix
Les fromages
Le Ruffec, le camembert, le St Romain
Fruits
Les fraises, la confiture Angoumoisine
Le miel des Charentes
La bombe glacée
Les chocolats, marguerites Duchesse d’Angoulême
Le Cognac
La sève au Cognac
La liqueur d’Angélique
Les vins
C’est un repas digne de Gargantua. En tous les cas chacun aurait pu chanter :
J’ai bien mangé ! J’ai bien bu !
J’ai la peau du ventre bien tendue. Merci petit Jésus

Ce n’est pas possible, Mamie, d’ingurgiter tout çà ?
Moi aussi je le pense mais je me réfère à l’auteur.Il devait en rester dans les assiettes !!! ou alors attention aux boutons du pantalon !

Recettes :
Le patatou

Pour 6 personnes
Préchauffer le four à 210°
Ecraser en purée à la fourchette 500 grs de pommes de terre cuites à l’eau
Ajouter 350 grs de chèvre frais – 175 grs de sucre – 1 sucre vanillé
Quand le mélange précédent est homogène y ajouter 5 œufs et 2 à 3 c de farine.
Sur un fond de tarte en pâte brisée
Mettre sur la pâte et cuire 40 minutes.

Le fromage maison

La cheminée l’hiver était l’endroit de prédilection pour le fromage.
En effet, on y faisait prendre le lait un peu en retrait. La « jalonne » recevait le lait encore chaud sortant du pis auquel on ajoutait la présure.
Le miracle allait se produire souvent durant la nuit. Le lait caillait et là c’était la phase de l’égouttage. Une poche de toile taillée un peu en biseau permettait au sérum de descendre plus facilement. Suffisamment asséché on le mettait dans la « ficelle » (moule troué) qui lui donnait son aspect définitif.
On le dégustait avec de l’ail vert au printemps ou en gousse le reste du temps.