lundi 20 décembre 2010

Les battages

Après la rentrée des gerbes en monticule bien façonné, on attendait l’arrivée du battage.

Primitivement le grain sortait de l’épi sous les coups répétés du fléau, puis les chevaux furent attelés à des rouleaux de pierre (sorte de meule) et tiraient inlassablement en aller et retour.


Perfection bienvenue, on connut une petite batteuse. C’était une sorte de coffre muni à l’intérieur d’un rouleau avec des piques recourbés dont l’essieu était actionné par une manivelle à bras. Il fallait de bons muscles pour lancer et entraîner l’engin.

Merveille des merveilles, la locomotive arrive pour entraîner une grosse batteuse. Des enchevêtrements de courroies, chaines et poulies allaient démarrer l’engin avec bruit mais auparavant il fallait ajuster l’alignement, la tension des courroies, caler la machine.

Courcôme une batteuse dans les années 1960
Une vingtaine d’hommes avaient été sollicités pour aider à battre. Solidarité obligée car aucun ne pouvait faire ce travail seul. Ainsi pendant une période de 3 bonnes semaines c’était le travail quotidien.

Le maître de la ferme distribuait les rôles.

Plusieurs grimpaient sur le gerbier, un ou deux coupaient les liens des gerbes qui arrivaient entières sur une sorte de plan légèrement incliné. Munis d’une fourchine en bois d’une main pour éparpiller les épis sans prendre de chardons ou de ronces dans les doigts, ils glissaient régulièrement la gerbe dans le batteur. Très souvent le coupeur recueillait les cordes au nœud pour être utilisées plus tard. Dernière destination, les liennes de moughettes et quelques autres services.


Derrière la machine, la paille arrivait primitivement en vrac, elle été transportée à l’aide d’une fourche paillère en bois. La paille s’enfilait entre les deux tiges et se déversait sur le pailler. Là, le « maître pailler » avait déjà tracé la base du pailler. Ce seul homme avait la responsabilité de cette architecture. Plusieurs autres rangeaient sous ses ordres, alors qu’une grande perche guidait la symétrie. Parfois la paille trop sèche exigeait un petit arrosage afin d’éviter le glissement. Il fallait garder ses distances par rapport aux bordures pour que rien ne bouge.

Sous les mains des coupeurs de liens la machine avalait parfois un peu brutalement et poussait un gémissement qui décalait le rythme de la locomotive.

Le grain séparé de la paille arrivait sur des secoueurs, puis passé sur des grilles aux trous différents pour sélectionner le vrai grain. Les déchets prenaient une autre destination.

Les sacs se remplissaient sur le côté et les plus jeunes hommes connaissaient d’avance leur poste. Ils montaient 80kg à l’épaule dans des escaliers étroits ou dans des échelles pour engranger la récolte dans des greniers aux lucarnes étroites.

Avec la circulation actuelle on ne peut oublier que souvent les échelles étaient utilisées sur la route.

Voici un autre poste qui n’était guère enviable. Placé à retirer les courtes pailles et pailles brisées, il ne devait pas les laisser s’amonceler. Bonjour la poussière, cet homme était méconnaissable, son mouchoir noué autour du cou et rien ne pouvait l’arrêter.

Les balles (enveloppe du grain) s’amoncelaient. De temps en temps on les tirait à l’arrière.

Les balles de blé serviront à nourrir les vaches mélangées aux betteraves – question de volume dans la panse.

Les balles d’avoine peuvent servir à garnir la literie des petits enfants.


Travaillez, travaillez, voici le coup à boire pour la soif et le moral. La machine continuait à râler pendant que les uns après les autres les travailleurs buvaient 1 ou 2 coups de rouge. C’était le travail des femmes et le bonheur des enfants qui se faisaient chahuter.

La reprise se faisait jusqu’à l’heure du repas.

Les femmes, à plusieurs voisines mettaient des grandes planches sur des tréteaux. Garnir de nappes blanches à liteaux réservées à cet usage égayait une vaisselle disparate. Peu importe, bientôt elles recevront le menu plantureux des batteries

C’est l’heure !!! A la soupe !!!


Avant de s’asseoir, nos travailleurs tiraient leurs couteaux de la poche. (Chez le paysan le couteau c’est sacré !)

Puis le bouillon de poule accompagne le vermicelle de quelques yeux. Puis la bouteille de rouge passe entre les mains pour faire godaille (un mouille pouce). Dans un tout petit reste de bouillon chaud, le vin arrivait jusqu’au pouce qui tenait le bord de l’assiette. C’était une fort bonne lampée.

Œufs durs, tomates, poulet rôti, civet de lapin, fromage, petits gâteaux secs, tel était le menu qui se présentait pendant toute la campagne. Café et pousse café.

Sous la chaleur et l’effort la journée était longue alors on cassait la croûte vers 17 heures – fromage, saucisson, confiture étaient appréciés. On fermait son couteau après l’avoir essuyé sur sa jambière de culotte et on recommençait le boulot.

Au repas du soir, on prenait le temps. La mangeaille s’arrosait copieusement en chantant et en racontant des histoires paillardes.

Sur le chemin du retour qui paraissait trop long quelques uns commençaient et finissaient leur nuit dans le fossé. Heureusement, la température était douce et l’alcool faisait tout oublier.