samedi 18 décembre 2010

On fait les foins

Ma chérie, le coucou a chanté au printemps, tu ne l’as pas entendu bien sûr, aujourd’hui, c’est le grillon qui stridule dans les foins et les herbes.

Les oiseaux ont déjà niché dans les prairies et voici la fenaison ; période très intense car le temps guide le travail, persécutant le paysan quand l’orage menace.

En quelques instants s’évanouit l’espoir d’avoir une bonne récolte. Le foin qui s’est mouillé n’a plus de qualité.

On commença par faucher à la faux, à plusieurs, car l’entraide facilite la rapidité du travail. On embauche le « tail ». La faux est appelée « le dail ou dall».

La faucille



Les faucheurs devaient aiguiser leurs outils avec une « pierre à aiguiser » qu’ils portaient à la ceinture, enfermée dans un « causi » fait quelque fois dans une corne de vache creusée. Chez nous les anciens parlaient de battre le dail.

La fauchaison et l'andain
L’herbe tombait à leur gauche et formait un andain.

Divers modèles de faux
Celui-ci restera exposé au soleil pour sécher sur une face. Il sera ensuite retourné à la fourche à 3 pions pour sécher sur l’autre côté. Les prairies naturelles fournissaient ce fourrage avant l’arrivée du trèfle, de la luzerne que l’on nomme prairie artificielle.
Fauchaison à la faucille
Le paysan relevait ses manches, la main droite sur un petit manche et la gauche en haut du grand manche. Avançant à enjambées régulières la lame tranche l’herbe de droite à gauche et forme un andain. L’herbe fraîchement coupée va donc sécher. Elle sera retournée par les femmes à l’aide de fourches.


Dans un geste inlassablement répété elles éparpillent et soulèvent le fourrage, elle le fane.

Devenu sec, le passage du râteau rassemblait l’herbe pour faire des tas, des « meulons » où se terminera le séchage avant la rentrée à la grange. (Faire une meule de foin se disait "amelounàe")

On faisait ces petites meules en retournant la fourchée à l’envers pour obtenir un sommet un peu arrondi qui éventuellement aurait protégé de la pluie (d’une façon précaire).

La corvée n’est point terminée, loin de là. Ce sont les provisions d’hiver qu’il faut rentrer. On scrute le ciel, le soleil brille alors, chapeau sur la tête, un homme charge alors que sur la charrette un autre dispose le foin. Il est rangé par couche de l’avant à l’arrière du véhicule tiré parfois par deux bœufs suivant l’importance du convoi.

Les femmes, le mouchoir de tête remplaçant la coiffe, car il n’est pas fragile suivent avec le râteau pour laisser le terrain propre et ne rien perdre.

Après les bœufs pour le charroi on attela les chevaux plus rapides.

Il fut une période où les grosses charrettes bleues (bleu caractéristique !) étaient presque aussi lourdes que le fourrage. Les bandages en fer des roues cahotaient sur les chemins pierreux et poussiéreux. L’opération de chargement se terminait par un câblage. Devant la charrette et derrière, un tour permettait d’enrouler la corde qui tenait ainsi toute la masse.

Pour « triquer » comme on disait il fallait utiliser une « tavelle » (touret que l’on enfilait dans des trous aménagés sur le rouleau). Quand c’était trop dur, on les utilisait par 2, une dans chaque main. Ainsi on arrivait à bon port et si par malheur, le chargement se disloquait on avait vu « le loup ». Pas avantageuse l’aventure !!! Il fallait recommencer et ce n’était pas du gâteau de démêler tout ce fatras.

Dans les murs, une « boulite », petite fenêtre est prête à recevoir ces provisions d’hiver. Cette dernière manipulation n’était drôle pour personne. Notre brave homme tirait le foin sur le véhicule, alors que sa femme recevait la fourchée par ce trou trop étroit à son dire. Elle devait le ranger au fond du ballet et quand elle retournait une autre fourchée l’attendait. Un peu de temps était nécessaire car il fallait bourrer le foin sous les « rasis » et éviter les poutres. Parfois la brave femme se voyait ensevelie et rouspétait d’une voix forte.

Bien souvent un enfant intervenait pour aider sa mère à défaut on s’entraidait. Un prêté pour un rendu, c’était parfait.

La récolte se mécanisa assez rapidement et l’on vit apparaître la faucheuse à cheval.cet instrument réalisait le même travail.

Moins fatigant pour l’homme qui était assis sur un siège incorporé. Deux chevaux tiraient ce nouvel engin.

Le fanage resta quelque temps manuel. La saison des foins devint moins pénible quand on apprivoisa outre la faucheuse, la râteleuse tractée par un cheval. Elle rassemblait les andains pour faciliter la mise en tas.




- Mais Mamie, si les vaches et les autres bêtes pouvaient parler, sauraient-elles exprimer de la reconnaissance ? Toute cette fatigue c’est pour elles !

- Les vaches, les chèvres donnent du lait en récompense de leurs soins, ma chérie !

Les chevaux sont des bêtes de somme auxquelles on demande la force et l’obéissance à longueur de vie !

Révise bien tes leçons pour recueillir une belle moisson – la réussite !!! Ensemble, nous décrirons les moissons d’autrefois. A plus tard.

Mamie

* boulite. nf. petite ouverture dans un mur, lucarne, œil-de-bœuf, guichet.


* rasi. nm. portion du mur qui touche à la charpente.