mardi 9 février 2010

Le Bourrelier

Ma petite Alice,
L'autre jour, au téléphone, tu m'as dit que je devenais certainement paresseuse, car je ne continuais pas mes petits récits.
Point de paresse ! Seulement le temps de respirer et de ... tirer les rois avec nos amis.
Au lieu de parler des voisins, nous avons continué à évoquer nos souvenirs de jeunesse.
Ensemble, nous avons passé en revue quelques autres métiers d'autrefois.
Le bourrelier... il n'y en a plus !

Mais nous avons en mémoire Albert Guillebeau qui harnachait les chevaux du village.
Cet homme de taille moyenne était assis sur un tabouret, tenant entre ses genoux une pince en bois pour saisir le cuir. Auparavant, il avait enduit le fil de chanvre de « poix ». Ce genre de cire passait et repassait dans un morceau de cuir plié où il était lissé pour rendre la couture plus facile. Il tortillait ensemble 2 ou 3 brins suivant la résistance désirée.
Ce « lignoux » était détaillé en longueur de 3 mètres environ. Il appointait ensuite les 2 extrémités du cordonnet et il enfilait à chaque bout une grosse aiguille. Ainsi la couture était croisée et présentait le même aspect dessus et dessous.
Avant de coudre, il perçait le cuir avec une alène et souvent le manche en bois servait de dé pour pousser l’aiguille.
Une odeur de cuir neuf montant au nez. Il était découpé selon les besoins avec un « tranchet » suivant un tracé fait au poinçon.
Il se procurait toutes les parties en bois (collier). Il achetait également la « bourre » (poils, filasse de chanvre) pour garnir collier et « basselle » (selle qui supportait les brancards grâce à la dossière et à la sous-ventrière).

Notre homme réparait et confectionnait on peut dire sur mesure, car tous les chevaux n’avaient pas la même encolure. Le collier était formé d’une partie en bois et là-dessus étaient fixés à l’aide d’une forte toile, le « rembourrage ». C’était la partie qui touchait les épaules.


Avec le collier, il fabriquait les brides. Les œillères étaient parfois décorées de cuivre.
C’était le tour du « basselle » rembourré qui se mettait sur le dos, la dossière et la sous-ventrière pour atteler la bête aux brancards des charrettes.
Sur le bois du collier étaient fixés deux crochets tenus par des « billots » également en bois comme un genre de cheville.
Dans son échoppe Albert Guillebeau suspendait les harnais en attente de réparation. Les chevaux étaient nombreux et le travail n’était pas caché – une petite révision s’imposait, etc…
Mais peu à peu, l’arrivée des tracteurs les supprima, le métier s’avérant superflu notre artisan ne fut pas remplacé. Au revoir Monsieur le bourrelier, vous n’êtes plus qu’un souvenir chez nous !