jeudi 11 février 2010

Le forgeron - maréchal ferrant

Aujourd’hui, ma petite Biche, c’est au tour du forgeron – maréchal ferrant de monter sur la sellette pour en détailler les différentes phases de son travail.
La première observation que l’on peut faire c’est que l’on confondait indistinctement forgeron et maréchal ferrant.
En effet, le même artisan assurait les travaux de la forge et le ferrage des chevaux.
Dans notre village, cet homme à la face rondouillarde, moustachu, commençait la journée aux premiers chants du coq. Nécessité oblige, car les chevaux arrivaient très tôt et, parfois, ils étaient nombreux à attendre, attachés par la longe à une boucle scellée dans le mur. En effet, le propriétaire amenait son cheval tenu à la « longe » (corde).
Notre artisan, Bessonneau de son nom, commençait, aussitôt arrivé, par mettre son tablier de cuir et retrousser ses manches.
Il était prêt pour allumer la forge. Une poignée de papier ou de paille faisait l’affaire pour enflammer le coke (charbon). Il tirait sur une chaîne pour actionner un énorme soufflet. Déjà les braises rougeoyaient et crépitaient vivement en bouquet d’étincelles.

Le premier arrivé s’avançait et son cheval allait être pris en charge pour le ferrer. Opération compliquée, délicate et dangereuse. Compliquée et délicate car il fallait de la précision et du savoir faire pour ne pas blesser la bête. Dangereuse, car un animal se permettait de ruer, ou de se laisser aller d’un côté ou de l’autre ; alors il fallait le mettre dans un « travail » sorte de cage et là, il perdait sa liberté de mouvement. C’était souvent le cas des bêtes plus jeunes qui donnaient du fil à retordre.
De plus, on en maîtrisait certains à l’aide du « tord-nez » long bâton terminé par une boucle de corde que l’on vrillait pour serrer le nez et ainsi maîtriser le récalcitrant.
Les pattes de devant étaient les plus difficiles à ferrer. Il fallait la tenir pliée à l’aide d’une lanière sur le genou.
Les sabots de derrière se prêtaient mieux au travail. Le maître du cheval s’accotait sur sa fesse, bien d’aplomb, les jambes écartées et avec la courroie tenait le pied à la hauteur du travail.

Le maréchal, après ces préparatifs, commençait par ôter le fer usagé. Il parait la corne à l’aide d’un « rogne-pied » sorte de grosse lime. Le fer préformé chauffait dans le brasier de la forge. Devenant malléable, il l’essayait comme on fait d’une chaussure, d’un coup d’œil, il savait s’il devait corriger ou pas cette parure. Si tout paraissait bon, alors il pouvait clouer le fer. La corne brûlée dégageait une odeur spécifique qui envahissait la « boutique » (l’atelier).
Les clous étaient un peu longs, à tête carrée. Ils traversaient la corne du pied et la pointe qui ressortait en dessus était coupée à la tenaille. En passant la main on ne devait rien sentir.
Quelque fois, lorsque la corne avait trop poussée et que le fer n’était pas usé, on faisait faire un « relevé » pour prolonger sa durée de vie.
Alors le travail achevé, notre Père Bessonneau regardait avec fierté la bête s’éloigner, bien sur ses 4 pattes. Souvent les ferrages se faisaient le matin pour aller au travail de bonne heure.

1 - Dévidoir 2 - Dégorgeoir 3 - Mailloche
4 - Rogne pied 5 - Pince à déferrer 6 - Rape
7 - Tricoise 8 - Pince arrache-clou 9 - Pince à parer
10 - Pince à river 11 - Brochoir 12 - Rénette
13 - Aimant 14 - Marteau de forge 15 - Pince à feu

Mais la forge et les vigoureux biceps du maréchal ne s’arrêtaient pas.
Le forgeron prenait alors le pas. Le marteau rebondissait sur l’enclume dans un mouvement lourd et rejeté pour « rebouillir » les fers de charrues et de brabants. L’opération consistait à rendre l’outil tranchant en affinant « le taillant » (lame). Il fallait chauffer le fer jusqu’au rouge un peu brun, c’était le moment propice pour agir. Ne dit-on pas ? « Il faut battre le fer quand il est chaud ! » Les outils manuels, piardes (pioches), binettes, pioches, haches, subissaient ce mauvais sort pour redevenir neufs ou presque.
La soudure n’existait pas, le seul moyen d’accoler deux pièces ensemble était de les chauffer à blanc et de les superposer sous les coups répétés du fameux marteau sur l’enclume.
Il n’avait pas compté son temps et les milliers de kilos de mâchefer qu’il avait débarrassés de la forge pour recommencer le lendemain. De maréchal, il n’y en eut plus lorsque notre brave homme fut disparu.