lundi 26 juillet 2010

Les funérailles

- Alice, Alice que fais-tu? Je ne t’entends plus!
- Je lis le journal mamie.
- Tu t’intéresses à la politique, aux faits divers ?
- Tu vas rire mamie, je lis les convois funèbres. Tu ne me reconnais plus sans doute ?
- Pourquoi lis-tu ces pages inintéressantes pour toi ?
- Je veux que tu m’expliques ce qui se passait autrefois.
- Et bien, ma petite chérie, dans les temps passés point de faire-part dans la presse qui ne touchait pas grand monde. Alors, on entendait une cloche sonner le glas pour avertir du décès d’un membre de la communauté chrétienne.
Les démarches officielles accomplies à la maison, le médecin ayant constaté le décès, va commencer la préparation du défunt. Il faut te dire qu’il y a très longtemps on avait affaire à un croque-mort pour confirmer le décès. Celui-ci mordait le gros orteil du mort pour vérifier qu’il n’y avait aucune réaction. Déclaré officiellement trépassé, allaient se dérouler rapidement la toilette complète et l’habillage. Les hommes portaient leurs plus beaux vêtements, les femmes étaient également parées des plus beaux dessous et de leurs derniers atours. Les bijoux partaient dans la tombe si elles en possédaient.
Déjà on avait fermé les yeux avec délicatesse et souvent la bouche était maintenue par un bandeau.
Les voisins étaient souvent appelés en renfort car une personne sans vie est un vrai pantin difficile à manipuler. Le défunt est déposé sur le lit recouvert du plus beau drap de l’armoire.
Une table de nuit, portant bénitier et crucifix noir, est placée près de la tête du lit. Ainsi feu notre parent restera dans la pénombre, les volets fermés, à la lueur d’une bougie vacillante. L’ambiance était des plus lugubres. La mise en bière avait lieu en famille. Puis la date et l’heure des obsèques sont fixées avec le curé du village. Le soir, c'était le défilé des voisins et amis qui venaient « Prier le Bon Dieu ». Cette visite avait pour but de prier pour le mort, le bénir, discuter avec la famille et apprendre le jour des obsèques. Le bouche à oreille répendra la nouvelle.
Les funérailles allaient donc se dérouler.
Le prêtre et les enfants de chœur venaient jusqu’à la maison mortuaire. Le corbillard était là.
Pour les villages, le corps était déposé sur la Pierre des Morts, en attendant le prêtre et les enfants de chœur pour enlever le corps.





Pierres des Morts

Route de Tuzie à droite

A la Croix-Rouge à gauche




Quatre hommes prenaient le cercueil pour le disposer dans cette triste voiture à cheval.
Si l’on traversait une autre commune, on devait faire une pause pour la mise d’un cachet de cire sur la fermeture. C’était le travail du garde-champêtre.
Le cortège se dirigeait vers l’église où les ornements étaient installés sur les piliers si l’enterrement était de 1ère classe.
- Pourquoi de 1ère classe Mamie, il y avait une différence entre les enterrements ?
- Oui, on entendait par là, une cérémonie plus fastueuse, le prêtre et les enfants de service étaient vêtus de noir et blanc. L’officiant était enveloppé d’une large cape au décor argenté. Les cierges flamboyaient autour du cercueil.

Arrivés à l’église, les porteurs déposaient le défunt sur un brancard pour entrer en face de l’autel.
Une petite parenthèse, ce brancard avait été fourni par le sieur Cailler menuisier en 1884 pour la somme de 50 frs.
Cette cérémonie plus imposante était le dernier luxe payé par les familles aisées au disparu. On chantait le « Dies Iræ » et la dernière bénédiction donnée, les porteurs reprenaient le cercueil. En cortège, on arrivait au cimetière. Quatre autres personnes choisies par la famille, tenaient les cordons du poêle*, pendant aux 4 coins du corbillard.
Au cimetière, le corps était descendu dans la tombe creusée par le fossoyeur. Les mêmes hommes étaient de service jusqu’au bout du service funèbre.
Les personnes présentes se succédaient pour manifester leur sympathie à la famille.
Les bénévoles qui avaient œuvré tout le long de la cérémonie étaient invités par la famille à trinquer au café. La conversation tournait autour du défunt et de ses nombreuses qualités maintenant qu’il était mort…
Dans ce dernier parcours, on occultait tous ses défauts et on se préoccupait suivant les circonstances du devenir de la famille.
Et la dernière réflexion était comme une vision du futur - on se disait « nous aussi, un jour ou l’autre on ira chez Jonquet, là-bas »
- Pourquoi mamie, c’était le nom du cimetière ?
- Non ma Chérie, c’est une boutade pour parler du cimetière, car c’est la maison de Courcôme située juste en face de la porte d’entrée du dit lieu. Mais on ajoutait en riant : « On a bien le temps !!! »
Après le décès on portait le deuil assez longtemps. Il n’y avait pas de manifestations joyeuses à la maison. On ne participait à aucune fête pendant cette période.
Les hommes portaient un brassard noir au bras.




Les femmes portaient coiffes au ruban noir et épingle noire. Ce fut ensuite le chapeau avec un long voile en crêpe. Ma grand-mère m’a conté que sa maman avait été orpheline toute jeune. Elle était coiffée à cette époque d’une sorte de béguin noir qui encadrait son visage tout jeunot. Cette tradition est enterrée elle aussi.




• Poêle : drap mortuaire servant à recouvrir le cercueil durant les funérailles.