samedi 31 juillet 2010

Les veillées

- Ma petite Alice, il y a une centaine d’années combien y avait-il d’habitants à Courcôme ?
- J’ai lu qu’aujourd’hui il y en a plus de 450, mais pour le reste je donne ma langue au chat. Alors ?
- Plus de 800 âmes vivaient dans le bourg et les villages. Les familles étaient plus nombreuses.
Les enfants naissaient et grandissaient au village aidant aux travaux des champs. Il n’y avait pas d’envol vers les études. Le certificat d’études obtenu vers l’âge de 12 ans restait le bagage suffisant.
Alors toute cette jeunesse se distrayait ensemble, souvent entre cousins.
Les veillées rassemblaient les familles et c’étaient de grands moments de bonheur. On jouait aux cartes, les hommes s’occupaient à la belote, au marteau, à la manille. Les enfants fabriquaient des toupies avec une noix et un bout d’allumette. Dans une assiette, ils lançaient le petit engin et avec de grands rires. Il la voyait s’affoler et finir dans un dernier tourbillon.


A la lueur de la cheminée, c’était à celui qui réaliserait une ombre chinoise, avec ses mains. On y mettait tout son cœur et on finissait par des concours.
On se racontait des histoires de fantômes. On parlait du loup dont les yeux brillaient dans le noir.
- Au fait, Alice, le Conseil Municipal évoqua la présence de la bête dangereuse le 14.04.1895. Les loups avaient égorgé 7 moutons à un fermier. Lorsqu’on se rendait dans le noir à la veillée dans les villages on avait peur de le rencontrer.
- Quoi faire s’il est là ?
- On allumait bougie, on claquait ses semelles de sabots de bois. Les cris dissuadaient la vilaine bête.
Quelquefois, les femmes faisaient des crêpes. Auparavant, elles avaient travaillé à carder la laine ou à la filer. On buvait du vin chaud ou un grog, une tisane de tilleul. Les joueurs en profitaient eux aussi sans le mériter ; moment convivial pour tout le monde.
Plus près de nous, quand apparut la culture du maïs, en automne, les veillées se transformaient en séances d’« épigouillage ». Ce fameux « garouille » était en tas dans la grange et attendait des mains courageuses pour l’ »épanouiller », on le débarrassait des feuilles. Elles étaient mises en tas d’un côté et les épis d’un autre. Ces fameuses panouilles entouraient chacun et couvraient les jambes. Ainsi, on n’avait pas froid.
Le barricot de vin était prêt à satisfaire les amateurs. L’ambiance agréable invitait à chanter des vieilles romances ou à raconter des histoires. On ne voyait pas le temps passer.
De temps en temps, les uns ou les autres faisaient des farces, sans préjudice quelconque. Ainsi, certains profitaient de l’innocence de quelques jeunots pour les envoyer à la chasse à la « Darue » (Dahu). Ils choisissaient un jour froid et venteux.
- Mamie, la « Darue », c’était une bête ?
- Tiens, tu vois, toi aussi, tu aurais été attrapée !!!
- Non, c’est un tour, une farce malicieuse. Dans un endroit bien défini, le chasseur était envoyé avec un sac. Recommandation incontournable, il devait tenir le sac la gueule ouverte afin de récupérer la bête. Le benêt se gelait et attendait, attendait encore jusqu’à ce que transi, les doigts gelés, il comprenne que rien ne viendrait. La tromperie était acceptée quelquefois avec une pointe de colère, de rancune et à la fin du compte tout se passait bien.
Faire des farces était monnaie courante. On n’hésitait pas à monter sur le toit pour ramoner la cheminée avec une vieille poêle. Ce raffut jetait le froid. On se regardait, imaginant quelques pratiques de sorcellerie.
- C’était peut-être des fantômes !!!
- Ma petite Alice, en ce temps les gens étaient très sensibles à l’éventuelle présence des esprits malfaiteurs.
- Mais, Mamie les gens étaient naïfs sans doute ?
- En tout cas, si le mot avait existé à cette époque on aurait pu dire qu'ils vivaient "zen"