mercredi 13 janvier 2010

Le marchand de peaux de lapins

Ma chérie,
Aujourd’hui 13 janvier, il fait bien mauvais temps et en t’écrivant j’ai pensé être plus près de toi pour continuer à te faire part de mes souvenirs.
Voilà !! C’est au tour du marchand de peaux de lapins de monter sur la sellette. Venant d’où, on ne sait pas trop, sa voix commençait à retentir : « Peaux de lapins !, Peaux !, Peaux de lapins ! »
Tu dois te poser quelques questions, aussi je vais t’expliquer les opérations précédant cette collecte.
Et bien, c’était l’époque où dans chaque maison les familles quasi sans exception élevait sans frais cette volaille – herbe, foin, betteraves étaient leur festin.
A cette époque on n’achetait point au magasin les lapins nus. Il fallait donc se débrouiller autrement. Aussi avec agilité et sans remords, la ménagère tenait le lapin par les pattes arrière. Elle lui assénait ensuite un coup de trique derrière les oreilles et immédiatement (comble de la cruauté) elle lui arrachait l’œil à l’aide d’un couteau pointu. Le sang était recueilli dans un bol avec 1 cuillère de vinaigre.

Ainsi dépouillé, la pauvre bête sursautait encore, tous muscles à l’air.
C’est alors que commençait le travail des peaux. Une baguette de noisetier souple ou à défaut de la paille était introduite dans la peau retournée, poil à l’intérieur. Mise à sécher à l’air, les peaux attendaient…

A son appel, on décrochait les peaux, on les vidait de leur contenu et on les présentait au marchand. Il examinait, tâtait trouvant toujours quelques défauts. Les blanches étaient les plus chères. Une moue sur son visage laissait penser que le prix serait ridicule. La vendeuse protestait, essayait de marchander, puis elle finissait par céder pour une valeur de 10 à 15 sous. Autrement, que faire de ces dépouilles ? Le marchand d’piaux d’lapin était très attendu par les femmes qui à l’occasion se faisaient quelques sous de plus. Il achetait aussi les peaux d’autres animaux comme les chèvres, les moutons et même celles des taupes.

Avant de tomber complètement en désuétude la relève fut assurée par un marchand ambulant venant de Montjean. Equipé d’une camionnette, il reprit le flambeau. Il récupérait les vieux chiffons, les journaux et les peaux de lapins et proposait en échange de la vaisselle tout à fait ordinaire. Quelques articles ménagers étaient suspendus dans la voiture. Un verre, une tasse ou une assiette récompensait la ménagère économe. C’était le temps où l’on ne jetait rien, à cette époque il y avait déjà le recyclage !
Je vais même, ma petite Alice te raconter une anecdote. Un « remède de grand-mère » préconisait de se mettre la peau de lapin sur la poitrine en cas de rhume, de toux. On est loin du Wicks !!! Peut être à essayer, si tu tousses, à condition de trouver une peau de lapin !!! A plus tard.